La loi Hôpital Santé Patients Territoires (HPST) modifie en profondeur l’organisation du système de soins en France.? Elle va très fortement impacter l’organisation, les leviers et les modalités de la relation de l’industrie avec ses cibles sur le terrain.
Tous les deux mois, vous retrouverez dans ces colonnes et dans VISITE ACTUELLE des exemples de stratégies à succès dans ce nouveau cadre qui est le nôtre. L’expression du point de vue de divers acteurs de l’industrie Pharma viendra renforcer la dimension concrète et opérationnelle de ces pages.
Enfin nous vous engageons à continuer le débat, a travers vos mails et commentaires sur www.e-pharmarketing.com
Stratégies en Territoire de Santé
Le marketing/ventes à l’heure d’HPST – N°1
Des ARH aux ARS : un territoire de compétences qui s’élargit
En 1996, la réforme Juppé avait créé les Agences Régionales de l’Hospitalisation. L’Agence Régionale de Santé (ARS) conserve cette autorité sur l’ensemble des établissements publics et privés. Elle devient également responsable de la médecine de ville libérale et du secteur médico-social et assure l’organisation et l’articulation de ces trois secteurs.
Le but explicitement assigné à ces ARS est de restructurer le paysage sanitaire dans la perspective de diminuer globalement les dépenses de santé par une meilleure organisation et coordination de l’ensemble des structures sur le «?territoire de santé?».
Afin d’accélérer la restructuration du secteur public hospitalier, la loi HPST prévoit la création de «?communautés hospitalières de territoires?» regroupant services et établissements. Des «?groupements de coopération sanitaire?» vont permettre les partenariats? entre établissements publics et privés.
Le renforcement des pouvoirs des directeurs d’établissements et des incitations pour que les hôpitaux se regroupent vont modifier l’offre de soins en région.
Quelles sont les conséquences d’HPST sur le terrain ?
En ce qui concerne « la ville » il est prévu le développement de «?maisons médicales?» regroupant médecins et professionnels libéraux, notamment pour assurer la permanence des soins. La loi HPST vise aussi à renforcer la coopération entre professionnels de santé.
Par exemple, dans le cadre du suivi à domicile d’un patient atteint de pathologie cancéreuse, une infirmière pourra évaluer les données cliniques et biologiques du patient, adapter les prescriptions, si besoin reporter une cure de chimiothérapie, mais aussi adresser le patient à l’hôpital en cas de dégradation de son état clinique. L’infirmière devient ainsi un interlocuteur à part entière.
Le pharmacien d’officine bénéficie lui aussi de nouvelles prérogatives : la reconnaissance officielle du conseil pharmaceutique et de nouvelles missions notamment dans le domaine du suivi du patient. Ce sont là de nouvelles opportunités pour des programmes d’observance ou de « bon usage ».
La simplification administrative au niveau régional conduira à un suivi renforcé des consommations de médicaments avec l’extension du champ de compétences vers la ville des OMEDIT, déjà chargées du suivi quantitatif et qualitatif des prescriptions par rapport aux référentiels de bon usage (RBU). Les ARS disposeront de tableaux de bord permettant de suivre pour chaque médicament les évolutions régionales et par établissement.
Quelles seront les évolutions nécessaires sur le terrain?
La montée en puissance des KAM (Key Account Managers) est rendue nécessaire par le passage d’une logique de personne (un prescripteur seul décisionnaire) à une logique de réseau (une décision collégiale encadrée par un contrat de Bon Usage).
Une approche commerciale globale est donc souhaitable au niveau de l’établissement, voire au-delà, au sein de la région. D’autant que les responsabilités budgétaires renforcées du Directeur d’Etablissement conduiront à une réorganisation des circuits de décision pour l’achat et le référencement hospitalier des médicaments.
Quelle approche nouvelle du ciblage et de la communication avec HSPT ?
Le délégué de demain sera responsable d’un territoire plus limité, mais avec des interlocuteurs beaucoup plus nombreux et diversifiés. En témoigne l’évolution en cours de la convention collective, vers une carte professionnelle avec laquelle le nouveau VM pourra à la fois faire de la visite médicale chez le médecin, par téléphone, par internet et conclure des ventes en officine.
Au-delà du simple « potentiel » ou d’un calcul élaboré de « valeur client » les stratégies marketing doivent aujourd’hui intégrer des critères visant les non-prescripteurs les influenceurs locaux dans les champs médicaux et administratif, pour agir efficacement sur la décision d’achat « en réseau » des acteurs régionaux.
Comment refonder la relation VM/médecin sur le terrain ?
Avec la multiplication des cibles, les messages vont évoluer vers plus de personnalisation. Mais si la santé est notre bien le plus précieux, elle n’a « pas de prix ». Et tout particulièrement dans les pays latins pecunia morbus, l’argent de la maladie, est toujours suspect. Or l’industrie pharmaceutique est un acteur majeur de la vie économique (valorisations boursières, plans sociaux, mégafusions…).
Les entreprises du médicament (ainsi que la parfumerie) sont en effet les premières (après les vendeurs d’armes, d’alcool et de tabac) à tirer vers le haut la croissance économique française. La loi HPST et ses « économies » attendues sont un enjeu d’image majeur pour les entreprises du médicament, au service de la santé et de la vie.
Le débat sur le coût des soins et le financement de l’assurance maladie vient renforcer l’idée que la santé est devenue une marchandise, dont on discute les ressorts économiques. L’industrie n’aurait-elle pas intérêt à se rapprocher des professionnels de santé, pour cet enjeu d’image ? Ils partagent en effet nombre d’objectifs et sont stigmatisés pour les mêmes raisons par les pouvoirs publics et l’opinion : faire de la santé une activité économique rentable. A nous d’inventer les termes de ce nouveau partenariat !
Finalement la négociation et l’offre vont se déplacer du seul médicament vers la mise en place d’un « contrat thérapeutique » conclu entre l’industrie et les structures de soin sur le terrain.
En conclusion, pour les entreprises du médicament à l’heure d’HPST, il s’agit de passer d’une stratégie d’offre quantitative à une stratégie contributive : améliorer durablement le fonctionnement du territoire de santé par la mise en œuvre participative d’opérations pertinentes sur le terrain, en lien avec les nouvelles instances régionales.
Dr Antoine POIGNANT
Président du Groupe EuroHealthNet
http://www.eurohealthnet.com