Le réalisateur français des perles américaines Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Soyez Sympas, rembobinez est parti poser sa caméra dans un petit coin des Cévennes où vit sa vieille tante Suzette, institutrice à la retraite, plus de 80 ans au compteur désormais, qui fut une enseignante emblématique des villages de la région où elle a vécu avec son époux et son fils presque toute sa vie d’adulte. Gondry et sa tante refont son parcours professionnel, retournant dans les salles de classe, retrouvant les anciens élèves, le tout avec une intimité et une simplicité inhérentes au fait que derrière la caméra, c’est le neveu Michel qui orchestre.
Mais en cours de route, Michel Gondry a mis le doigt sur quelque chose. Une histoire de famille. Celle de la relation compliquée entre Suzette et son fils Jean-Yves, le cousin de Gondry. En filmant sa tante et son cousin, le cinéaste découvre une relation tumultueuse, un conflit sourd, une rancœur tenace, des non-dits difficiles à nommer. Le cœur de son film se déplace alors. Il s’agit alors autant du passé familial que des souvenirs professionnels.
On ne s'attendait pas spécialement à ce que Gondry s’attaque au documentaire, encore moins avec un sujet si personnel. Il y a parfois quelque chose d’étrange à voir le talentueux cinéaste de la bricole ainsi en famille au fin fond de la France, nous faisant découvrir sa famille et ses histoires. Mais il ne fait rien comme tout le monde, et son Épine dans le cœur, aussi quelconque soit-elle au premier abord, révèle une profondeur et une sensibilité inattendues. Finalement son film est celui d’une mère et de son fils, elle au caractère et à la personnalité forte, lui si insaisissable, décalé, fragile, dans son monde, que la communication entre eux s’avère ardue, et l’amour si difficile alors qu’il devrait couler de source entre une mère et un fils.
Brassant en moins d’1h30 des décennies de la vie de Suzette, Gondry parvient à imprimer du souffle à son sujet si tranquille, naviguant à travers les villages et les années. Son film si personnel devient un regard universel sur la famille, ses souvenirs, ses tensions. Eternal Sunshine of the spotless Mind, La science des rêves et Soyez sympas rembobinez ont montré à quel point Gondry s’intéresse à la mémoire et aux souvenirs, thème récurrent de ses œuvres auquel n’échappe pas L’épine dans le cœur. Cette amère nostalgie coule dans les veines de ses films, et cette exploration documentaire nous en révèle un aspect évident, avec la poésie et l’esprit système D qui sont l'apanage du cinéaste.