Au cinéma cette semaine

Publié le 24 avril 2010 par Petistspavs

Pas d'édito cette semaine, j'ai envie d'une séance légère, comme le nuage qui cloue les avions et les hommes et femmes d'affaires au sol. Une autre fois, je dirai du mal d'un tas de truc, une autre fois j'avouerai que les hasards des files d'attente m'ont conduit à voir Adèle Blanc Sec. Rien que ça ! Mon film de la semaine regarde, d'après la critique vers le marivaudage et, selon les uns ou les autres, vers le cinéma de Rivette, de Renoir ou de Rohmer. Les 3 R du ciné fRançais.
Puisque Doillon est à l'honneur aujourd'hui, voici une chanson de film, un autre Doillon avec deux chanteurs/chanteuses et au générique de fin (pendant que tous les cons de la salle se précipitent vers la sortie, vers le secours de la sortie), on entend ça, qui me fait toujours me sentir tout chose parce que c'est beau et sentimental et mélancolique. Comédie, chanson du film Comédie de Jacques Doillon avec Jane Birkin et Alain Souchon.

LE FILM DE LA SEMAINE


Le Mariage à trois
film français de Jacques Doillon (2009, 1h40)
scénario de Jacques Doillon
ompositeur : Philippe Sarde
directeur de la photographie : Caroline Champetier (photo de Tokyo !, de A l'est de moi, de nombreux films d'Amos Gitaï, a travaillé avec Claude Lanzmann)
production : Alfama Films
distributeur : Alfama Films (ex-Alma Films, distributeur du dernier film de Werner Shroeter) et France 3 Cinéma
avec Pascal Greggory, Julie Depardieu, Louis Garrel, Agathe Bonitzer, Louis-Do de Lencquesaing

Synopsis : Un dramaturge reçoit chez lui les protagonistes de sa nouvelle pièce. Mais la présence conjuguée de son ex-femme, de son nouvel amant, et d’une jeune assistante, va rendre la journée particulièrement tumultueuse, entremêlant création et enjeux sentimentaux.
L'affiche est pas géniale, mais elle fait bien ici, sur mon fond blanc.
"Quel étrange et beau film" s'exclame J.B. Morain pour ouvrir son article des inrocks, qu'il conclue ainsi : "A la ville comme à la scène, Le Mariage à trois donne naissance à une jeune actrice : Agathe Bonitzer, vraiment étonnante et troublante dans ce rôle". Il poursuit sur l'essentiel de la séduction de ce film-retour de Jacques Doillon, l'Homme qui aimait les actrices : "Certes, on la connaissait déjà (on l’avait aperçue chez Christophe Honoré, chez son père Pascal, et vue surtout chez sa mère Sophie Fillières dans Un chat, un chat).
Mais Mariage à trois la fait changer de statut, la propulse sur le devant de la scène, sous le regard de ses “anciens”. Elle y brille déjà, montre toutes les facettes de son talent à venir, auquel l’ingénuité de la jeunesse donne un charme tout particulier.
Ce Mariage à trois a tout d’une intronisation. Qu’elle soit la bienvenue
."

C'est en effet là que se trouve mon désir de cinéma, cette fois : retrouver et découvrir. Retrouver Jacques Doillon que j'avais un peu laissé tomber ces derniers films, peut-être depuis qu'il avait fait tourner Richard Anconina (qu'on peut, si on a vraiment envie de voir l'effet du temps qui passe sur un acteur qui avait peu d'atouts, outre sa jeunesse, admirer dans Camping 2 qui sort, paraît-il) et se rappeler de Comédie avec Birkin et Souchon ou La pirate, avec Birkin, Léotard, Laure Marsac ou encore Ponette, ce film dont je me rappelle la caresse comme un baiser d'enfant sur la joue. Retrouver Louis Garrel, la Depardieu. Et découvrir Agathe, blanche et rousse, fantasque et studieuse. Que demander de plus au cinéma ?

LES FILMS SYMPAS DE LA SEMAINE

J'ai pas la télé. Mais quand j'ai la chance de tomber sur une télé à l'heure de Groland, je disparais pour les autres. Je suis un grolandais dans l'âme et le cinéma grolandais me fait saliver.

Réalisé par le duo Gustave Kerven-Benoît Delépine (alias Michael Kael), amis grolandais déjà remarqués pour Louise Michel, Mammuth est un film sur un pauvre type, un con qui se retrouve à la retraite et sous le prétexte de dossiers à reconstituer (ce qu'Hitchcock appelait un Mac Guffin, un prétexte sans lequel il n'y aurait pas de film, mais qui n'est pour rien dans la progression dramatique) va prendre conscience du vide de sa vie. En plus c'est drôle et le type, marié à Yolande Moreau, caissière du supermarché où il était boucher, rencontre Anna Mouglalis , la prometteuse Miss Ming et Isabelle Adjani. Les pauvres ne se refusent rien.
L'idée géniale du couple Delépine-Kervern est d'avoir confié le rôle à Gérard Depardieu. Dans Les inrocks, Axelle Ropert n'y va pas de main froide : "Il [Gérard] se contente de se tenir jeté là, boucher attendant la saucisse dernier cri comme l’arrivée du Messie, absorbant toute l’imbécillité du monde et la restituant digérée, comme un homme dont le seul métier serait de vivre avec une douceur qui vous fait venir les larmes aux yeux. " Et elle conclue : "C’est l’acteur des écarts impossibles, populiste (amour pour Georges Frêche) et élitiste (amour pour Marguerite Duras), gaulois (Obélix) et exotique (en Dumas créole récemment), porc et délicat, n’aimant plus le cinéma et d’une justesse pourtant infinie quant à son art. A notre tour de dire une chose, idiote mais bouleversée : c’est le plus grand acteur au monde" Rien que ça !
Les inrocks et Depardieu, ça semble reparti pour une grande histoire d'amour depuis un entretien invraisemblable autour d'un lapin concocté par l'acteur et qui s'est terminé pour Morain et Lalanne, bourrés et repus, l'éponge ou la serpilière à la main, à faire la vaisselle et frotter le carrelage. Sinon, l'entretien (avec Gérard, mais aussi Julie) est un grand moment de journalisme ciné. Il n'est publié que dans la version papier du magazine, sinon je vous en aurais fait profiter.
J'ai des envies de Depardieu en ce moment...

Sinon, le Michel Gondry, pour une fois exonéré de nous faire cauchemarder dans la soie, sort un petit film de famille, sur sa tante... Pourquoi pas.
Et Julie Delpy délaisse la légèreté branchée de ses films précédents pour mettre en scène et incarner Elisabeth Báthory, aristocrate hongroise entrée dans la légende pour sa réputation de tortionnaire et meurtrière de (nombreuses) jeunes filles qu'elle faisait enlever dans les villages alentour pour les saigner et se baigner dans leur sang. Cette charmante dame avait inspiré, il y a près de 40 ans, un de ses meilleurs Contes immoraux à Walerian Borowczyk (1974). Paloma Picasso (encore une fille de) lui prêtait ses traits un peu trop réguliers et son corps de braise.
Salamandra de Pablo Agüero (Argentine), qui nous compte l'histoire attachante d'une jeune mère juste sortie de prison semble une œuvre originale à découvrir et la musique de John  Cale, qui se fait rare ces temps-ci, semble un bon argument de vente.

LA REPRISE A NE PAS MANQUER

Cette semaine, la reprise est double : deux des meilleurs films anglais d'Alfred Hitchcock remis à neuf et distribués en France par l'impeccable Carlotta.


Deux films anglais d'Alfred Hitchcock
distribués en France par Carlotta et visibles en France à l'Action Ecoles et au Mac Mahon
Jeune et innocent
Young and Innocent ou The girl was young (1937, 1h25)
Avec Nova Pilbeam, Derrick de Marney, Percy Marmont
Ci-contre, l'affiche américaine, où on peut constater que le titre est traduit de l'anglais à l'américain.
Synopsis : Un couple se dispute durant une nuit d'orage. Le lendemain, le corps de la femme est retrouvé sur la plage par Robert Tisdall, un proche. Celui-ci est fait coupable car la ceinture qui a servi à étrangler la victime semble provenir de son imperméable, qu'il affirme pourtant s'être fait voler. Robert parvient à s'enfuir du tribunal et, aidé par Erica, la fille du commissaire chargé de l'enquête, il se réfugie dans un moulin. Dès lors, les deux jeunes gens cherchent à retrouver l'homme qui a volé l'imperméable afin de prouver que Robert n'est pas lié au crime...
Les trente-neuf marches
The Thirty Nine Steps (1935, 1h25)
Avec Robert Donat, Madeleine Carroll, Lucie Mannheim

Ci-contre, l'affiche d'origine.
Synopsis : Un homme recherche pour le meurtre d'une Mata-Hari est poursuivi par un groupe d'espions nazis, mais aussi par la police britannique...

Les deux films sont visibles en France (à Paris, pour l'instant...) à l'Action Ecoles et au Mac Mahon.

Les trente neuf marches est nettement plus célèbre, notamment en raison de ses nombreuses diffusions par la télé, mais les deux films sont de vrais bijoux du polar htchcockien de la période pré-hollywoodienne et j'ai une tendresse particulière pour Jeune et innocent, sorte d'archétype des aventures délirantes du faux coupable, avec une fraicheur particulière due à la jeunesse des personnages.

Films virtuoses, tout en tension, en plans mystérieux et chavirants (le moulin, le parc d'attraction, les phares dans la nuit) avec, pour Young and I. un travelling invraisemblable (c'était l'heureux temps où le cinéma ignorait le zoom, ce qui hypertrophiait la débrouillardise et Hitch en avait à revendre.

C'est en salle qu'on goûte tout le charme so british de ces diamants noirs et roses.

Noter que la collection continuera, avec la même tutelle Carlotta (et Les inrocks, Positif, CNC etc.) avec Une femme disparaît (The lady vanishes) dès la semaine prochaine. Un superbe coffret DVD en perspective !

L'IMAGE DE LA SEMAINE
est une photo.

Ces deux "filles de" sont magnifiques dans leur contournement de la beauté ordinaire et leur approche d'une manifestation sensible de la beauté. On a découvert Agathe Bonitzer chez Christophe Honoré (La belle personne) et on ne présente plus Julie Depardieu. C'est un bonheur de les retrouver ensemble et avec Doillon et Garrel.

"ON EST PAS DES CHARLOTS" ou LES CHAPLIN DE LA SEMAINE

Depuis la semaine dernière, les CHAPLIN (distribués de 0 à 5, 5 CHAPLIN signifiant OUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH !!! INDISPENSABLE A LA SURVIE et 0 signifiant ENVIE DE MEURTRE.

Les films dont j'ai parlé mais dont je ne parle plus, mais qui restent visibles à Paris ou ailleurs, qu'il faut VITE courir voir avant leur triste disparition. Nouveauté, vous cliquez pour savoir où passe le film (avec Allociné, c'est pas subtil, mais efficace) :

Nuits d'ivresse printanière de Lou Ye
Les chaussons rouges de Michael Powell et Emeric Pressburger

La reine des pommes de Valérie Donzelli
(vite, le film de la donzelle ne passe plus qu'à certaines heures, certains jours,
même à Calais et au Nouveau Latina.
Même si je n'ai pas pu lui coller 5 CHAPLIN,
c'est le film le plus sympa, frais, jubilatoire vu cette année).

FOCUS

Une fois n'est pas coutume, mais j'ai envie de présenter une collection de DVD.
On sait que Truffaut adorait les VHS qui lui apportaient le bonheur simple de visionner à tout moment Sérénade à trois de Lubitsch, alors qu'avant la vidéo, il était parfois obligé d'attendre un an ou deux pour le revoir. Tous les habitués de la collection Les films de ma vie savent ça par coeur. Truffaut aurait été fou-dingue du DVD, qui oblige les éditeurs à nettoyer les films (souvent à partir d'un master) et autorise les bons à les accompagner les films d'un appareil critique ou pédagogique parfois passionnant.

Les westerns, comme les Godard, ont longtemps été les parents pauvres du marché du DVD, du moins en France, même si les Éditions Montparnasse, par exemple, sont à l'origine de rééditions somptueuses.

J'ai longtemps désiré ajouter deux films à ma collection, mais ils étaient introuvables, du moins en Zone 2 (comme la plupart des Godard), deux films que j'aime vraiment, depuis longtemps (trop longtemps) et Ô surprise la semaine dernière, à l'occasion de la sortie de l'un, je me rends compte que l'autre existait mais que l'absence de pub me l'avait fait rater.

Ils font partie de la très riche collection Western de Légende, chez l'excellent Sidonis, collection (voir le catalogue en cliquant ICI) patronnée par Bertrand Tavernier et Patrick Brion, des gens de Positif qui n'ont plus grand chose à prouver quant à leur passion encyclopédique du cinéma, notamment américain et, notamment, américain de genre. Les films de la collection sont donc assortis des commentaires souvent captivants (au pire amusants et intéressants) des deux Laurel et Hardy de la critique française.

Je suis donc désormais l'heureux propriétaire de

- El Perdido (The las sunset) de Robert Aldrich, avec Kirk Douglas (producteur du film pour lequel il a embauché des professionnels écartés des studios par la sinistre commission mac carthy) et Rock Hudson, acteur certes un peu terne mais fétiche de Douglas Sirk, qui, ici,  fait un peu potiche, face au grand Kirk. Film complexe, noir et déroutant. J'en avais parlé ICI.

- La dernière caravane (The last wagon) de Delmer Daves, avec l'immense Richard Widmark, dans un film aéré, tourné presque exclusivement en extérieur, dans de grands espaces de l'Arizona. Un de ces films anti-racistes qui ne se contentent pas de la bonne conscience d'un Welcome, mais offre le Monde, avec ses complexités, ses contradictions, ses petitesses et ses grandeurs en cadeau. J'en avais dit du bien.

Dans la même collection, vient de sortir Un roi et quatre reines, un curieux marivaudage de Raoul Walsh, qui ne nous avait pas habitué au marivaudage, avec un Clark Gable puissant (oui, il doit satisfaire ses quatre reines).

La collection comporte déjà nombre de titres. Je citerai juste La flèche brisée, que je dédie à quelqu'un, magnifique western de Delmer Daves encore avec James Stewart ou L'homme qui n'a pas d'étoile de King Vidor, western non conventionnel avec Kirk Douglas, (oui, on retrouve les mêmes partout). Mais qui serait assez ballot pour rater Le jardin du Diable, dans lequel Henry Hataway confronte Gary Cooper à Richard Widmark, cette fois en mauvais garçon ?

Les jaquettes des DVD sont assez tartes dans cette collection. En dehors de ça, les éditeurs me semblent très respectueux de leur public. Malgré un prix moyen de 17 €, noter des titres, et non des moindres, à 9,99 €.

That's all, folks. Bons films.