Fantômes japonais #3 : Exte, Hair Extensions

Publié le 17 avril 2010 par Luxyukiiste

Sono Sion est un malin. Au lieu d’allonger la longue liste des films de revenantes à cheveux noirs, le réalisateur de Suicide Club dégage les filles et ne garde que les cheveux. Dans Exte, ce sont d’étranges extensions à l’origine douteuse qui s’en prennent à leurs porteuses. Après avoir découvert le film dans un recoin du net, j’ai nourri de grands espoirs de visuels mémorables, saturant le cadre d’épais filins noirs, sur la base de screenshots alléchants. Sur ce point, je n’ai pas été déçu. Et encore mieux, il n’y a pas que ça.

Yuko (alias Chiaki Kuriyama, Gogo Yubari dans Kill Bill) est une jeune japonaise, apprentie coiffeuse dans un salon. Un soir, elle et sa colocataire se retrouvent avec un fardeau inattendu sur les bras : Mami, fille de Kiyomi, la soeur de Yuko, est laissée chez elle comme dans une garderie pour être reprise plus tard. Agaçée, Yuko doit pourtant bien faire avec et tente d’être gentille avec la fillette. Sauf qu’elle présente tous les signes de la maltraitance : extrêmement timide, elle bafouille des réponses répétitives et reste constamment sur la défensive. Au matin, la découverte de blessures sur son dos achève d’écarter le doute… En parallèle, des policiers font une macabre découverte dans un terminal à container : l’un deux est rempli de cheveux humains, entourant le cadavre d’une jeune femme… Une aubaine pour Yamazaki, employé de morgue porteur d’une passion étrange pour les cheveux des défuntes, qui va s’en emparer à des fins pas vraiment très claires… Dès le début, Exte plonge le spectateur dans l’étonnement avec le personnage de Yamazaki. Fétichiste pervers, il ausculte avec attention la tignasse des mortes et vit dans un petit repère rempli de cheveux. Et quand je dis rempli, c’est rempli : l’équpe décoratrice n’a pas lésiné sur les perruques. Ce lieu inquiétant est en totale opposition avec le salon lumineux et enjoué où travaille Yuko. Le risque est grand que les deux univers s’entrechoquent…

Tout au long de ses 110 minutes, Exte effectue de nombreux changements de ton, passant de l’angoisse au drame, en passant par l’horreur et l’absurde. Pendant le générique, alors qu’elle rushe vers le salon en vélo, Yuko nous fait découvrir la charmante ville provinciale où elle habite, passage tranchant avec la séquence dérangeante de la morgue. Plus tard, avoir envoyé paître sa soeur inconséquente, Yuko tente comme elle peut de nouer une relation avec la petite Mami ; pas facile, car la fillette garde les stigmates de ses brimades régulières et ne fait plus confiance à personne. Sono Sion réussit plutôt bien son pari avec des scènes aussi dures que touchantes. Les virées de la mère dans la maison de Yuko serrent la gorge tant elle fait preuve d’un je m’entoutisme complet. A côté, les efforts de Yuko accouchent de jolies scènes de vie touchant presque petit à petit à l’émotion ; en particulier grâce à la petite Miku Satô, très convaincante dans le rôle de la fillette traumatisée retrouvant goût à la vie. Quand à notre fétichiste, il est tantôt effrayant, tantôt guignolesque, quand il sort vendre ses extensions de cheveux au salon de Yuko. Bruyant et excentrique, il sème la mort sans un soupçon avant de regagner son repaire. C’est là que les séquences les plus folles du film apparaissent, notamment celle où il danse sur un beat hip-hop au milieu de son royaume capillaire. Sono Sion s’amuse bien ; à vous de voir si vous accrochez ou non au style… De mon côté, j’ai beaucoup ri de ces décalages. Par contre, les scènes d’horreur m’ont beaucoup moins amusé…

Après les malédictions diffusées par la télévision, Internet, les téléphones portables et les simples rencontres, avoir des extensions capillaires peut désormais vous tuer. Les symptômes sont pour le moins curieux : si des cheveux commencent à vous pousser n’importe où… C’est qu’il y a un problème. Autant vous dire que la perversité de ces passages vous fera bien souffrir : cheveux dans les yeux, étranglements et même envoûtements sont au programme. Pour ceux qui, comme moi, attendent d’en prendre plein les yeux, le contrat est rempli : le concept est bien exploité et monte en puissance jusqu’à un climax aussi dérangeant qu’hilarant. Sion mélange le montré et le suggéré, additionnant l’effroi de l’horreur frontale à l’angoisse d’une mauvaise découverte. Sournoisement, l’histoire nous attache à la petite Mami pour mieux prendre plaisir à la mettre en danger. Et ça marche : l’angoisse est réelle, et la perversion du scénario manifeste. Quand au sens du film, il n’est pas vraiment explicité avant que la fin nous pousse à y réfléchir : tuées par leurs extensions, les clientes sont punies pour leur superficialité. C’est cette obsession de la perfection naturelle qui pousse le flippant Yamazaki à admirer en toutes occasions les cheveux de Yuko… Quand à notre chère cadavre au container, elle a sûrement quelque chose à voir là-dedans, elle aussi. Au final, plus dérangeant et mémorable que la moyenne du J-Horror, Exte se taille évidemment une bonne place dans mon top perso du genre. Un film bien tiré par les cheveux !