Le réduve

Le printemps s'est installé, les feuilles rhabillent nos arbres, les fleurs égayent balcons et parterres, les oiseaux réinvestissent les haies et pelouses de notre domaine, bref la vie reprend ses droits. Les premiers insectes volètent en repérage au-dessus de mes jardinières.

Ma première prise photographique de la saison date de ce matin, sur le carrelage de ma loggia une bête bien mal en point à première vue et même carrément mal à la seconde, puisqu'il lui manque la patte postérieure gauche. Elle n'est pas très plaisante à regarder, de couleur sombre mariant gris et marron. Après quelques recherches je pense - n'hésitez pas à me contacter si je fais erreur - qu'il s'agit d'un réduve.

Ces punaises prédatrices peuvent avoir diverses formes, ovales et robustes ou grêles et très allongées. Insecte hémiptère prédateur, son nom vient du latin reduvius signifiant dépouilles ; le réduve aspire le sang et la chair de ses proies. Il peut aussi piquer douloureusement l'homme si on essaye de l'attraper. Le réduve de mon balcon mesurait presque deux centimètres.

Comme d'habitude je me réfère à Jean-Henri Fabre (1823-1915) et ses Souvenirs entomologiques pour enrichir mon propos : « J'ai mis le réduve en présence d'un locustien à fortes mâchoires, d'un Platycléis, cinq à six fois plus volumineux que son bourreau. Le lendemain, le colosse était sucé par le nain aussi tranquillement que le serait une mouche. Un coup terrible l'avait immobilisé. En quel point se porte le coup et comment agit-il ? Rien ne dit que le réduve soit un spadassin versé dans l'art du meurtre, connaissant à la manière des hyménoptères paralyseurs, l'anatomie de sa victime et les secrets des centres nerveux. A n'en pas douter, il plonge son stylet au hasard, en un point quelconque où la peau soit assez molle. Il tue par intoxication venimeuse. Son rostre est une arme empoisonnée, analogue à celle du cousin, mais avec une virulence bien supérieure. »