Ce troisième épisode confirme la tonalité prise par cette nouvelle saison de Ashes to Ashes. Au-delà de la volonté de nous apporter des réponses en résolvant la partie mythologique de la série, les scénaristes semblent vouloir prendre le temps d'explorer chacun des protagonistes qui ont fait la franchise. De façon très similaire à l'épisode précédent consacré à Shaz, celui-ci plonge Ray au coeur d'une crise qui va lui permettre de révéler une partie de lui-même encore inconnue du téléspectateur. Si l'exposé de cette nouvelle introspection pèche, par moment, par excès de maladresses, elle a le mérite de faire prendre de l'épaisseur à un entourage qui était resté pendant deux saisons quelque peu en retrait, derrière le duo central composé par Alex et Gene.
C'est une intrigue policière encore une fois particulièrement classique, ne comportant aucune surprise, qui va servir de fondation pour renouveler et explorer sous un jour nouveau la personnalité de Ray. Après le serial killer de la semaine précédente, l'équipe se retrouve cette fois confrontée à un "serial arsonist" (un incendiaire), avec, à gérer en toile de fond, la pression particulière générée par une période électorale potentiellement explosive, qui va voir la confirmation de Margaret Thatcher au poste de premier ministre britannique. Il convient d'ailleurs de souligner l'effort de reconstitution du contexte politique de l'époque réalisé dans cet épisode. Les scénaristes choisissent de l'exploiter en l'intégrant directement à l'intrigue du jour, en se permettant un parallèle plutôt habile et très opportun. La mise en scène du traumatisme d'un soldat vétéran de la guerre des Malouines trouve en effet logiquement un écho particulier dans ces images d'archives de la ré-élection de la Dame de Fer, qui bénéficia de ce conflit pour restaurer son image et gagner les élections législatives de 1983.
La pression mise par la hiérarchie policière est une nouvelle fois symbolisée par l'omni-présence du DCI Keats, qui continue de mettre en exergue les doutes de chaque membre de l'équipe, dans le but avoué de les placer en porte-à-faux par rapport à Hunt, cherchant à rompre ce lien de loyauté particulièrement intense qui lie tous les subordonnés à leur chef. Il s'intéresse aux investigations d'Alex, qui, après avoir contacté Manchester, continue de s'interroger sur la mort de Sam Tyler. Il recrute Chris pour se plonger dans les vieux dossiers incomplets d'anciennes affaires résolues de façon un peu bancale. Mais, c'est sur Ray qu'il va focaliser son attention au cours de cet épisode.
Le dernier incendie en date aurait pu trouver une issue fatale si Ray n'avait pas eu le courage de pénétrer dans le bâtiment en flammes d'où des cris s'élevaient... mais aussi si les pompiers n'étaient pas ensuite intervenus pour assurer le sauvetage du policier un peu trop téméraire et de la victime. Et plus précisément, c'est un pompier qui se détache pour embrasser une stature de héros, Andy Smith. Jeune homme a priori sans histoire, ne nourrissant pas d'ambition particulière de sortir ainsi du lot, mais manifestant un professionalisme et une compétence à saluer. Ray se prend instantanément d'amitié pour lui. Plus qu'une sincère reconnaissance, le policier expresse une véritable admiration pour le pompier et la mission qu'il remplit chaque jour. Seulement, au fil de l'enquête qui progresse peu à peu sur l'auteur des incendies, à la suite d'un témoignage, les soupçons de Gene et d'Alex se tournent vers cet opportun sauveur.
Il est difficile de ne pas ressentir quelque frustration à voir Ashes to Ashes opter invariablement pour une facilité qui finit, parfois, par être un peu ennuyeuse, dans la construction de ces intrigues policières. Un serial arsonist avec un passé militaire est du pain béni pour tout psychologue. Cela offre ainsi l'occasion à Alex d'enfoncer aisément un certain nombre de portes ouvertes sur l'état mental du jeune homme, tous les voyants clignotant pour indiquer "post traumatic disorder". Si l'affaire en elle-même a une portée somme toute très anecdotique, elle mérite cependant d'être saluée en raison de la scène qui va la conclure, d'une intensité et d'une force impressionnantes.
L'affaire Andy Smith va prendre un tour plus tragique et personnel en raison de l'infidélité de son épouse. En dépit du fait que, dans la droite ligne du reste de l'intrigue, cet élément saute trop rapidement aux yeux du téléspectateur, en revanche, il va permettre une confrontation entre la police et un Andy devenu suicidaire, souhaitant s'immoler avec sa femme. Mais plutôt qu'une intervention clinique d'Alex, ou une charge de Gene, c'est un échange, d'où perce un désespoir existentiel ne pouvant laisser le téléspectateur indifférent, qui s'initie avec Ray. De la part d'un policier qui nous avait plutôt habitué à des réflexions pas très fines sur le sens de la vie, il délivre ici un exposé d'une rare authenticité, basé sur sa propre expérience. C'est une autre facette du personnage, à laquelle le téléspectateur n'avait jamais été confronté. Si ce cri de détresse est volontairement mis en exergue pour mettre en confiance Andy et empêcher l'irréparable, on sent bien que Ray parle d'une frustration qui lui est familière et d'une insatisfaction chronique sur le sens de sa vie qu'il analyse avec beaucoup de lucidité.
C'est donc une parenthèse intéressante ainsi offerte au personnage, qui s'affirme et s'émancipe de la tutelle de Gene. Au-delà de sa volonté de créer des divisions au sein de l'équipe afin d'isoler Gene, Keats semble chercher à mettre chaque membre face aux doutes qu'il a enfouis, les forçant à se confronter à ce qu'ils sont vraiment. Car cette storyline, comme la semaine précédente avec Shaz, permet à Ray de faire la paix avec une partie de lui-même. L'émanicipation voulue par Keats n'est pas passée par une opposition directe à Gene, ni par un éclatement de l'équipe, mais elle a permis au personnage de Ray de se réaliser pleinement. N'est-ce pas le sens du thème de Life on Mars que l'on entend en fin d'épisode lorsque la caméra se concentre sur lui ?
Si la finalité de l'épisode est appréciable, la téléspectatrice que je suis gardera cependant une impression un peu mitigée de l'épisode. On peut en effet reprocher le manque de subtilité de cette quête introspective. Les scénaristes usent de ficelles relativement grosses pour relater leur histoire : des suggestions de Keats jusqu'au traitement de l'intrigue en elle-même, tout apparaît si évident au téléspectateur, trop explicitement mis en avant pour ne laisser de place à aucune nuance possible. Dans ces moments-là, Ashes to Ashes m'évoque justement ces séries des années 80, au scénario divertissant, mais calibrées à l'excès. Je ne sais pas à quel point cet effet est recherché par les scénaristes ; mais, aux yeux ascérés du téléspectateur moderne, cette tendance est parfois un peu trop exacerbée.
Bilan : Un épisode introspectif consacré à un autre membre de l'équipe : après Shaz, voici une storyline destinée à mettre en lumière le personnage de Ray. L'intention est louable, la conclusion est intense et marquante, mais l'intrigue souffre d'un excès de classicisme, se situant sur des sentiers scénaristiques trop souvent empruntés par les fictions. A noter cependant un effort de reconstitution du contexte politique de l'épisode, avec une mise en parallèle intéressante sur les conséquences de la guerre des Malouines : d'une part un vétéran dont la vie est brisée, d'autre part une femme politique à qui le conflit profitera pour rempoter les élections nationales.
NOTE : 6,75/10