Ça y est, j’ai vu La Comtesse !
Hé bien, je ne sais trop qu’en dire… Difficile de synthétiser un film riche mais éclaté.
J’ai énormément aimé certaines scènes dont celle proposée en extrait ci-dessus, j’ai trouvé les lumières et les décors sublimes mais austères, juste ce qu’il faut. Le jeu de Julie Delpy est formidable : elle a le pouvoir de changer de visage (ce qui est censé être la question centrale du film) de manière assez fascinante : glaciale, amoureuse, tendre, haineuse, furieuse, et, la plupart du temps… impassible. Les quelques scènes qui retracent la formation de son caractère sont très réussies également et permettent de comprendre la modernité et l’audace de sa personnalité, une fois adulte, son féminisme sous-jacent. J’ai aimé aussi l’idée de laisser planer un doute sur les meurtres commis par la Comtesse, mais je crois que c’est de pure forme : de telles images, plus la machine, etc, font qu’on pense que c’est arrivé, on a du mal à penser que ce n’est qu’une rumeur… peut-être ceci est un peu raté… pas assez d’hésitation, en fin de compte.
De plus, est-ce dû au choix de l’acteur qui incarne celui qu’elle aime éperdument, Daniel Brühl, plutôt fadasse (à mon goût, forcément) ? J’ai eu du mal à croire à cette passion. C’était pourtant une belle idée que de mêler le romantisme de l’amour qui apparaît comme un don de soi dans lequel il n’y a ni dominant ni dominé (c’est expliqué très clairement dans le film) à l’horreur qui en découle, le meurtre de centaines de jeunes vierges pour justement dominer son reflet dans le miroir. Les rencontres entre les deux amoureux ne vibrent pas. Ils tombent amoureux en quelques images et on ne comprend pas bien pourquoi. S’il s’agit d’un coup de foudre, la magie, pour le spectateur, ne fonctionne pas.
Le film n’élude pas totalement l’horreur des crimes : certaines scènes sont délicieusement pénibles, mais ne s’appesantissent pas trop. On frôle l’esthétisme gore et macabrement onirique lors des vues sur les cadavres dans la forêt. Comment dire. J’aurais aimé que le film décolle davantage, aille plus dans ce sens. S’échappe de la réalité vers le délire de cette femme.
La toute fin est cependant très émouvante et éclairante. Elle révèle qu’elle aurait aimé être un homme, car dans ce cas, elle aurait été un héros (c’est-à-dire un guerrier). Voilà la clef que nous livre Julie Delpy : l’aliénation des femmes, pour un caractère si fort, conduit à des dérives sanglantes. Certains la trouveront légère (la clef), d’autres intéressante. Pour moi, elle évoque la scène de La Passion Béatrice, jouée il y a 23 ans, dans laquelle son père voyait en Béatrice le fils courageux qui aurait combattu avec panache. La boucle est bouclée. Julie Delpy continue d’explorer les rapports hommes/femmes : “égaux mais différents”. Ce film, s’il n’est pas totalement réussi, apporte une belle pierre à l’édifice de l’oeuvre d’une femme audacieuse et intelligente.