Benjamin Alard n'est pas seulement un excellent organiste (cf. entretien du 27 novembre 2009). Il est également (et surtout ?) un claveciniste qui fait déjà preuve d'une extraordinaire maturité musicale.
Il a entrepris, avec le soutien de Jean-Paul Combet qui dirige le la bel Alpha, d'enregistrer l'ensemble des recueils de la "Clavier übung" de JS Bach. Le premier regroupe les fameuses six partitas que JS Bach a composées entre 1726 et 1730 pour le clavecin et dont on peut recenser des versions de références tant au clavecin (ex : Gustav Leonardt, Kenneth Gilbert, et pour une partie seulement Scott Ross) qu'au piano (ex : Rosalyn Tureck, Glenn Gould ou Murray Perahia, pour ne citer que celles qui m'ont, pour ma part, le plus touché).
Ce qui marque d'emblée dans l'approche de Benjamin Alard par rapport à ces aînés est le choix d'un tempo plus étiré et d'un toucher d'une grande délicatesse. Cela n'empêche nullement la nécessaire nervosité / fébrilité (ex : l'incroyable Gigue de la quatrième partita en ré majeur) ou le "forte" nécessaire sur certains accords, si on peut vraiment parler de nuance sur un clavecin..., (ex : la Sinfonia d'introduction de la deuxième partita en ut mineur d'une d'une autorité indéniable).
On notera également le souci de clareté, transparence et, surtout, d'équilibre entre les différentes formes qui sont à la source des cas partitas, que ce soit les ornementations à la françaises ou une certaine forme de cantabile à l'italienne. Benjamin Alard ne force pas le trait sur l'un deces caractères et semble être en permanence soucieux de maintenir une certaine alchimie entre tension de la ligne, détachement des notes, ornementations, et appui.
Je ne suis pas très familier avec le répertoire pour clavecin, cet instrument étant bien trop souvent mal enregistré et restituant ainsi des sonorités assez sèches. en outre, nombre d'interprètes, y compris ceux que l'on considère comme de grands maîtres, notamment Gustav Leonhardt, proposent des versions souvent austères et par trop "intimidantes" de ces partitas. Benjamin Alard nous rappelle, fort justement, que ces pièces "d'exercice" peuvent aussi avoir un caractère presque ludique et, rappelons-le, font très souvent référence à la danse, sous ses différentes formes.
Dans ce premier volume, on notera particulièrement l'interprétation de la deuxième partita en ut mineur, la quatrième en ré majeur et de la sixième en mi mineur.
enfin, la qualité de l'enregistrement réalisée par Alpha est exemplaire. Les beau timbré et le son particulièrement clair du clavecin sont particulièrement bien rendus, la dynamique est excellente et la captation qui semble au plus près de l'instrument évite tout effet d'éloignement ou de réverbération.
On attend avec impatience le prochain volume.
JS Bach - Clavier Ubung - Volume 1 : six partitas - Benjamin Alard (clavecin) - label Alpha.
Extrait : Corrente de la sixième partita en mi mineur.