C’est oublier que la carrière de l’artiste connut une longévité exceptionnelle pour son temps : soixante années durant lesquelles il puisa dans l’héritage des classiques et se mesura à la tradition pour, finalement, mieux s’en libérer. Son appétit visuel ne se limitait pas à l’observation des panoramas d’une Europe en pleine mutation où les états modernes se façonnaient au gré de l’Histoire, entre Révolution française, conquêtes napoléoniennes et révolution industrielle.
Tour à tour, il visita les musées, s’invita chez les collectionneurs, étudia les grands maîtres (Claude Gellée, dit le Lorrain, le Titien, Nicolas Poussin, Watteau, Canaletto, Rembrandt, Gainsborough…), sans pour autant oublier de porter un regard sur ses contemporains (Bonington, George Jones, John Constable…) ni de prendre des séries de croquis sur le vif, au fil de ses voyages.
L’accrochage met en évidence les sources d’inspiration du peintre. Ainsi, L’Intérieur de la cathédrale de Durham (1798) est-elle à rapprocher des gravures de Piranèse ; on comparera, non sans curiosité, Paysage avec Jacob, Laban et ses filles du Lorrain (1654) d’Appulia à la recherche d’Appulus de Turner (1814), Le Déluge de Nicolas Poussin (1660-1664) et celui du peintre anglais (1805). Sans oublier les vues de Venise ou, surtout, Port de mer au soleil couchant du Lorrain (1639) et Regulus de Turner, pour leurs traitements respectifs de la lumière. Autant de peintures que l’on voit trop peu et dont la réunion présente un intérêt majeur.
Sans doute quelques toiles pourront décevoir : deux tableaux, La Sainte famille (1803) et La Déposition de croix (1802), par exemple, semblent lourds et pâteux, comparés à la lumineuse Vierge au lapin du Titien. De même, Pilate se lavant les mains (1830) sombre dans une confusion pénible qui contraste avec la précision de Jésus-Christ guérissant les malades de Rembrandt.
Illustrations : Couverture du catalogue de l’exposition - Turner, Le Déluge, 1805, Londres, Tate Britain, © Tate Photography - Turner, Tempête de neige, 1842, Londres, Tate Britain, © Tate Photography.