Les médias nous parlent beaucoup de crédit ces derniers mois : la Grèce, ayant trop dépensé, se voit contrainte d’emprunter à des taux très élevés sur le marché ; les banques, échaudées par la crise financière, coupent les crédits aux entreprises ; les particuliers, par peur de la récession, du chômage ou de la baisse du pouvoir d’achat, se désendettent et reviennent au paiement en espèces, si ce n’est au troc…La vie professionnelle de ces dernières années a suivi en parallèle ces évolutions. En quoi votre vie professionnelle a-t-elle évolué ?
Je ne suis pas un spécialiste du crédit, ni un financier et encore moins un homme d’argent, mais ce vaste mouvement m’interpelle.
Au début du XXème siècle, nos aïeuls ont vécu au comptant : pas d’emprunt, mais aussi un regard au jour le jour dans leur existence professionnelle : les multiples guerres et les récessions dramatiques sans le filet de sécurité de la protection sociale n’incitaient guère à une politique aventureuse. C’était une vie professionnelle où l’on était content d’avoir un emploi avec une vision au jour le jour.
Après la seconde guerre mondiale, lors des trente glorieuses, la croissance à tout va et le sentiment que chaque jour était meilleur que la veille ont contribué à pousser nos parents ou grands parents à ouvrir les fenêtres et à miser sur le futur en s’endettant. Un endettement sûr et calculé qui a façonné un nouvel art de vivre. Les actifs de cette période réclamaient des parcours professionnels avec une ascension, une montée en compétences, des changements tous les cinq / six ans. Ils faisaient confiance (= crédit) à leur entreprise.
Les enfants du baby boom (le papy boom d’aujourd’hui), élevés dans cet univers ont eux aussi joué avec le crédit. Un crédit plus risqué, plus osé avec les actions et des techniques plus sophistiquées. La vie professionnelle devient aussi plus risquée avec des changements d’entreprise plus fréquents (« changez au moins deux fois d’entreprise avant de vous stabiliser » disait-on couramment aux jeunes diplômés) et des progressions plus rapides (il n’était as rare d’avoir à 35/40 ans des postes qui, pour la génération précédente, nécessitait d’attendre 50 ans). Les baby-boomers faisaient moins crédit à leur entreprise et n’hésitaient pas à céder aux sirènes qui leur promettaient plus et mieux.
Leurs enfants (la génération Y d’aujourd’hui, les 25/ 35 ans) connaissent la titrisation, les « hedge funds », les prises de risque importantes et les produits financiers tellement complexes que personne ne les comprend. La vie professionnelle s’accélère : on est trop vieux pour les grandes entreprises à 35/40 ans, c’est la glorification des start-up, des approches alternatives ou du refus complet du système (au chand, dans des univers professionnels surprotégés). Cette génération ne croit plus à la fidélité aux entreprises, après avoir vu les vagues de licenciements et les conséquences directes dans leur famille. Ils se voient comme des mercenaires dans des entreprises-presse citron.
Cette désillusion se traduit par différentes attitudes : certains se refugient dans l’hyper-sécuritaire de leurs grands parents (regardez les demandes pour entrer dans les secteurs protégés), d’autres veulent surfer sur les vagues d’argent qui subsistent et prennent des paris (le succès des masters de finance qui ont ré-ouvert deux ans après le début de la crise fibancière) quand d’autres enfin, recherchent une nouvelle voie, loin du « mercenariat » : faire ce qu’ils estiment le plus compatible avec leurs dons et passions et s’épanouir, que ce soit dans un travail indépendant, salarié ou une activité en périphérie.
Finalement, à l’instar de l’impact de la crise financière sur notre rapport à l’argent économique, est-ce que les évènements actuels n’annoncent pas un nouveau rapport au travail, moins tourné vers la confiance (le crédit) aux autres (le rapport à l’entreprise), mais plus tourné vers soi et ses besoins ?
Et vous ? Quel est votre rapport au crédit ? Quel degré de confiance accordez-vous à votre entreprise ? Votre employeur direct ? Et à vous-même ?