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Cunégonde au-dessous du volcan 7

Publié le 24 avril 2010 par Porky

Scène 7 

En haut du volcan. Plate-forme au bord du cratère. Obscurité, mais moins profonde qu'en bas. Fumée épaisse en l'air, grondement sauvage venant des entrailles de la terre. Par la droite apparaît la colonne de silhouettes. Démarche chancelante, respiration sifflante, voire plus de respiration pour quelques-uns.

LES MEMES

 

FEFE DE BROADWAY (quasiment inaudible)

Je suis mort, c'est un fait. Adieu, monde cruel !

J'aurais dû demeurer dans l'audiovisuel*.

LA MADONE (Asphyxiée, accrochée à l'épaule de la Langoureuse Arielle qui halète)

Le fait est, mon Féfé, que ce fut plutôt rude !

SCARLATINA (S'écroulant sur sa guitare)

Je préfère, chéri, nettement les Bermudes.

CUNEGONDE (Traînant Leila d'une main et Rosie de l'autre)

Courage, c'est fini. Nous sommes arrivés.

LEILA (dans un feulement)

Ah, madame, je meurs !

ROSIE (Idem)

                                      Moi, je suis enterrée. 

(Les combinaisons contenant l'une Fifi et l'autre Daktari s'effondrent sur le sol avec un gémissement. Celle contenant le Président commence à danser sur place.)

 

LE PRESIDENT (Faisant des gestes de boxeur tout en sautillant)

Allons, allons, debout ! Regardez-moi, voyons !

Je suis en pleine forme et prêt au marathon !

Le jogging est vraiment une fort belle chose :

Il maintient les poumons et détruit l'ankylose.

CUNEGONDE (reprenant son souffle)

Calmez-vous, mon ami. Car trop d'excitation

Va nuire au grand succès de notre mission.*

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Devons-nous l'appeler ? Ou bien nous a-t-il vus ?

CUNEGONDE

Il ne faut surtout pas le prendre au dépourvu.

Faisons-lui remarquer notre présence ici

Et avertissons-le avec nos plus beaux cris.

TOUS

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

LE VOLCAN

La voilà donc enfin, la bande d'anémiques !

Ah vrai, qu'ils sont donc laids ! Qu'ils paraissent comiques !

LE PRESIDENT (Aux autres, bas)

Nous ne répondrons pas à la provocation.

Cunégonde, parlez. Faites l'allocution.

CUNEGONDE (Après s'être éclairci la gorge)

Vous connaissez Seigneur, la triste situation

Dans laquelle vous mîtes notre aviation**.

LE VOLCAN

Parlez-vous au nom de votre seule patrie ?

N'existe-il pour vous que votre affreux pays ?

CUNEGONDE

Oh que non, Majesté. C'est de l'Europe entière

Dont je suis devant vous la plénipotentiaire.

Et quand je dis l'Europe il faut bien sûr comprendre

Que c'est le monde entier qu'ici je viens défendre.

LE VOLCAN

Peuh ! Tout ce bruit délirant pour un peu de fumée !

Votre espèce est vraiment en tout point peu douée.*

CUNEGONDE

A vos yeux, ô Seigneur, nous sommes des microbes,

Que toute la fumée à votre vue dérobe.

Nous existons pourtant, peut-être par malheur,

Mais nous sommes bien là, et c'est notre douleur.

LE PRESIDENT

Arrivez donc au fait.

CUNEGONDE

                                Un instant, je vous prie.

Je dois d'abord calmer son auguste furie.

Nous avons bien reçu votre avertissement,

Nous l'avons bien compris et sans ressentiment,

Nous venons à vos pieds déposer nos hommages

Et voulons réparer ces atroces dommages

Que nous fîmes tantôt à l'environnement

En empoisonnant l'air de notre firmament.

LE VOLCAN

Le discours est joli, la parole est aisée.

Votre espèce a le don de bien savoir manier

De magnifiques mots, de sublimes pensées.

Or, est-ce suffisant ? A mon humble avis non.

Et je suis persuadé que même des guenons

Vous rendraient quelques points dans le gouvernement

De vos tristes nations.

LA MADONE

                                   C'est positivement

Une claque pour toi, mon ami Président.

ROSIE LA TERREUR

Ca te concerne aussi, et ça c'est évident.

LE VOLCAN

Ce dialogue vraiment n'est-il donc pas la preuve

Que mes avis sont vrais ? Entendez ces deux pieuvres !

Incapables ici de se mettre d'accord

Pour éviter au monde un bien funeste sort.

LE PRESIDENT

Ce sont des exceptions. Ne vous occupez pas

De ces deux numéros recouverts de plâtras.

CUNEGONDE (Tombant à genoux)

Ecoutez ma prière et soyez généreux !

Songez à tous ces gens, ces pauvres malheureux,

Bloqués un peu partout dans des aérogares

Et qui pour une place âprement se bagarrent !

Songez aux compagnies qui vont faire le saut

Si vous ne cessez pas votre cruel assaut !

Et notre économie qui va là s'écraser

Comme une vieille bouse et partir en fumée !

Je vous implore encor, montrez-vous magnanime,

Faites que le chaos là-bas ne s'envenime !

Et que l'espèce humaine, réduite au désespoir,

Ne sois pas le jouet des instincts les plus noirs ! 

(On applaudit discrètement.)

LE VOLCAN

Qu'êtes-vous prêts à faire, ô belle discoureuse,

Pour calmer ma colère et la mettre en veilleuse ?

CUNEGONDE

Tout ce que vous voudrez.

LE PRESIDENT

                                            Eh là, oh ! Doucement !

Ne vous engagez pas aussi imprudemment.

Voyons d'abord un peu toutes ses conditions

Et après seulement, nous nous déciderons.

CUNEGONDE

Il faut bien, mon ami, trancher ce nœud gordien

Et faire ici un choix.

FEFE DE BROADWAY (Joignant les mains)

                                        Mais que c'est cornélien !

CUNEGONDE

Et que réclamez-vous ? Que devons-nous donc faire ?

Dites-nous, je vous prie, comment vous satisfaire.

(A suivre) 

** Double diérèse.


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