Il y a quelque temps, je rencontrai la propriétaire d’un vidéoclub de mes connaissances devant son distributeur de cassettes endommagé par des inconnus. Elle me lança : « c’est normal, on les a faits pour ça ! » Lui prêtant une arrière-pensée lepéniste, j’interprétai son propos ainsi : les auteurs de cet acte de vandalisme sont nécessairement des jeunes, obligatoirement à l’origine douteuse, et inévitablement conçus sans amour par des parents avant tout soucieux d’augmenter, grâce aux allocations familiales, les ressources de la famille.
Je fus d’abord choqué avant de réaliser que, si l’on excepte les deux premiers qualificatifs reposant sur des suppositions que rien ne permet d’étayer, l’affirmation d’une motivation financière de la procréation demeurait plausible. Mais, non seulement elle n’est en rien répréhensible mais, bien plus, elle correspond à la volonté de l’Etat. Indépendamment de toute considération affective, la venue d’un nouvel enfant dans un foyer représente des charges supplémentaires. Lorsque l’Etat souhaite augmenter la natalité, il met en place des dispositifs pour favoriser les naissances. C’est ce qui se passe généralement après une guerre. La situation aujourd’hui n’est guère différente. En effet, outre l’allongement de l’espérance de vie, une partie du problème de nos retraites réside dans le fait que partent actuellement en retraite les classes nombreuses de l’après-guerre tandis que ne se trouvent en activité que les générations moins nombreuses qui ont suivi.
Lorsque notre ministre de la famille, aux allures de poissonnière, Nadine Morano, tentait de justifier la remise en cause de la carte de famille nombreuse, elle se rendait complice d’une rupture unilatérale du contrat tacite passé entre l’Etat et les parents. Si cette remise en cause des aides à la famille devait passer dans les faits, il deviendrait peut-être nécessaire de créer des établissements auxquels les parents pourraient confier les enfants nés de ce que l’on appelle parfois l’argent braguette, restituant ainsi à l’Etat les fruits de ses incitations. Si celui-ci même n’est plus en mesure de remplir ses obligations, on voit mal en effet comment des particuliers pourraient suppléer sa défection.
Le projet de loi visant à supprimer systématiquement les allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire des enfants est de la même veine. Cette rupture par l’Etat de ses engagements est peut-être enfin la rupture tant annoncée. Mais assez pour aujourd’hui. J’expliciterai dans un prochain billet mon appréciation sur cette suppression qui me semble tout à fait illégale.