White Stream est un projet de construction de gazoduc de l'Asie centrale via l'Ukraine vers les pays de l'UE. L'initiateur de ce projet est un consortium international Géorgie – Ukraine – UE – Pipeline "(GUEU-White Stream Pipeline Company), qui se compose des compagnies de consulting Pipeline Systems Engineering (PSE) et Radon-Ishizumi, et de cinq entreprises en provenance d'Ukraine, de Géorgie, d'Azerbaïdjan, d'Iran et du Turkménistan.
Ce projet a été présenté les 16-17 Mars 2006 pendant la 5eme Conférence internationale sur le pétrole, le gaz et l'énergie "GIOGIE – 2006" qui s'est tenue à Tbilissi. La présentation du projet a également eu lieu le 11Mai 2007 au Forum de l'énergie à Vienne et les 10-11 Octobre 2007 au Sommet sur l'énergie à Vilnius.
Selon la conception des ses créateurs, "White Stream" aurait dû devenir le projet énergétique principal du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaidjan, Moldavie). L'idée est la suivante: le gaz du gisement azerbaïdjanais "Shah Deniz" est acheminé à travers le territoire de la Géorgie et la mer Noire jusqu' en Ukraine et de là arrive dans les pays de l'Union européenne. Il est prévu d’impliquer le Turkménistan à moyen terme.
Si le gazoduc "White Stream" est connecté au réseau gazier ukrainien, celui-ci devra être adapté aux normes européennes de fonctionnement et de gestion. La participation hypothétique de l'Ukraine au système énergetique de l'Union européenne ouvre de telles possibilités. A ces conditions, le gaz caspien arrivera par le système ukrainien des gazoducs en Pologne et de là, vers d'autres pays européens. Le système ukrainien de transport du gaz a déjà des capacités inutilisées, qui peuvent augmenter si la Russie réduit les exportations de gaz vers l'Europe via l'Ukraine. Le réseau des gazoducs ukrainiens est actuellement suffisant pour assurer la fourniture de plus de la moitié de la demande de gaz d'Europe centrale et orientale.
Les concepteurs du gazoduc "White Stream" croient qu'il a un avantage décisif sur le projet Nabucco qui doit passer par des régions instables de la Turquie. En effet, sa construction peut utiliser l'infrastructure existante du Sud-Caucase, l'Ukraine et l'Europe qui diminue considérablement son prix. Si on construit White Stream on peut utiliser dans certain trajet les gazoducs existants déjà, d’où le prix general de sa construction est inferieur par rapport si on construit un gazoduc entierement.
Le point faible de ce projet est que depuis 4 ans, il reste au niveau des déclarations d’intention du côté ukrainien. Sa presentation n’était pas la meilleure quand il était présenté plutôt comme une idée ukrainienne alors qu’il est soutenu par la Georgie, la Pologne, l’Azerbajdzan et la Commission Européenne.
Selon l’avis d’un expert ukrainien le projet "White Stream" ne doit pas être considéré comme une alternative, mais comme un complément à celui de gazoduc Nabucco dans le cadre du corridor énergétique Est-Ouest. Il est important que le gouvernement ukrainien présente bien ce projet. "White Stream", qui est avant tout une branche du gazoduc du Caucase du Sud (SCP), sera une voie d'acheminement supplementaire des approvisionnements énergétiques en Europe. Il permettra d'accroître considérablement le flux des investissements dans le secteur gazier de la région Caspienne et donnera de meilleures garanties quant à la sécurité de fourniture de gaz aux consommateurs européens. L'existence de plusieurs routes du gaz entre la Caspienne et l'Europe minimisera les risques d'arrêt du transport du gaz, ce qui est essentiel pour attirer les investissements. Le projet "White Stream" ne peut réussir qu'avec la synergie des actions de l'Ukraine, de l'UE et des pays caucasiens et centrasiatiques et qu'avec le soutien de l'Union européenne et des États-Unis.
La réalisation du projet "White Stream” aurait de meilleures perspectives avec l'acheminement des ressources gazières de l'Iran. Cependant, le problème du programme nucléaire iranien et les tensions entre l'Iran, les États-Unis et Israël constituent des obstacles majeurs à cette possibilité. En cas d'embargo des Nations unies sur la coopération avec l'Iran dans le secteur énergétique, l'Ukraine, comme d'autres pays européens, reste dépendante de la politique énergétique de la Russie en attendant de trouver de nouveaux partenaires dans la fourniture de gaz. De l’avis d’experts, cette situation pourrait faire de l'Ukraine un médiateur dans le conflit entre les USA et l'Iran afin de normaliser les relations américano-iraniennes et de favoriser l'implication de Téhéran dans les projets énergétiques des régions des mers Noire et Caspienne avec la participation conjointe de l'UE et des États-Unis (1).
La conjoncture politique actuelle favorise l'implication de l'Iran dans la mise en œuvre des projets de gazoducs dans l'espace eurasiatique avec le coup de froid entre Téhéran et Moscou en raison du soutien par la partie russe de la résolution 1803 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Jusque là, les responsables iraniens avaient préféré s'abstenir d'évaluer les «relations gazières » russo-ukrainiennes, mais maintenant, Téhéran soutient effectivement l'idée de la création d'une nouvelle voie de livraison du gaz de la mer Caspienne vers l'Ukraine, puis dans d'autres pays européens, en alternative au projet russe.
(1) Entretien avec un expert ukrainien. Kiev. – 24.11.2009
Oksana Mitrofanova, docteur en Sciences Politiques, chercheur senior invité à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme (Paris, France), et directrice des programmes européens au Centre des recherches stratégiques (Kiev, Ukraine). A lire également :- Gazprom : l’idéalisme européen à l’épreuve du réalisme russe
- La crise gazière russo-ukrainienne. Un exemple de guerre de l’information
- La crise gazière : une chance pour Areva ?
- Gazprom, l’arme de la Russie