La presse devrait recruter de vrais journalistes

Publié le 23 avril 2010 par H16

La mode du moment, pour le journaliste engagé à mèche rebelle et qui veut faire de l’information qui informe, c’est de cogner sur l’Église Catholique, qui est – comme tout le monde le sait – une vieille institution pleine de prêtres pédophiles, de pratiquants bigots et arriérés, et dirigée par un pape nazi et bouché à l’époxy. Et parfois, derrière les discours naturellement scandalisés des gratte-papiers en guerre contre l’obscurantisme et le moyen-âge, on va ajouter, au détour d’une campagne de pub toute fraîche, une stupéfaction presque ingénue. Défrisement garanti.

Quand un journaliste se lâche, ça nous donne toujours un magnifique exemple de Pignouferie de Presse. Celle-ci est petite, mais efficace.

Tout commence avec la campagne d’appel aux vocations que l’Église a lancée dernièrement. Stupéfacture et étonnementation : dans les spots proposés, et après une enquête à la fois rigoureuse et probablement très difficile, on apprend que les prêtres qui y sont présentés ne sont en réalité que des acteurs, ou des mannequins, mais pas de vrais prêtres.

Bouleversifiant.

Une telle information ne pouvait pas rester, ainsi, presque pas lue dans un petit journal local (ici, l’Est Républicain).

Vite, Rue89, son équipe, son impartialité et son traitement en profondeur des vrais sujets de société s’emparent donc du propos pour nous pondre un article tout en banalités surprises et bondissantes.

Et effectivement, la stupéfaction des journalistes de l’Est Républicain se transmet à celle de Rue89 comme une traînée de poudre : oui oui, vous avez bien lu, l’Église de France ait fait un casting pour représenter le prêtre en photo sur sa campagne de com.

Je suis perplexe : dois-je briser le secret qui entoure d’une chape pourtant épaisse les publicités pour Planta Fin, <warning spoiler> présentant de soi-disant micro-trottoirs live, alors qu’en réalité, ce ne sont rien que des acteurs </warning spoiler> ? Doit-on enfin faire savoir aux frétillants scribouillards – au risque de les choquer dans leur conception du monde – que les installateurs de lessives dans les spots Darty ne travaillent pas, en réalité, pour Darty et qu’ils n’y connaissent probablement rien en lave-linges ? Doit-on briser le tabou Kinder et admettre enfin que la maman qui distribue des oeufs en choco n’est pas vraiment mère de famille, et en tout cas pas des petits blondinets agaçants qu’elle ne connaissait pas une heure avant le tournage ?

Certes, je comprends qu’il faut parfois une accroche pour arriver à parler d’un sujet – l’Eglise Catholique – que connaissent fort mal nos vaillants défenseurs de la presse écrite, parlé et gribouillée au gros feutre lavable en machine.

Certes, il est toujours possible, grâce à l’une de ces contorsions sémantiques ridicules mais en vogue dans les esprits étriqués, de jouer sur le fait que la publicité présentée serait en réalité un mensonge puisque l’ecclésiaste dépeint n’en est pas un. Et un mensonge, pour l’Église, c’est mal, gnagnagna.

Certes.

Mais, alors que, justement, la presse a prouvé dernièrement et notamment en France, sa totale inanité, sa bêtise et son ignorance crasse en matière de traitement de l’information au sujet de l’Eglise (et je conseille ces deux articles-là pour s’en convaincre), il serait grand temps pour nos folliculaires de faire un petit effort, chose qui ne leur est pas arrivé depuis fort longtemps : un sujet qui préoccupe plus d’un milliard de personnes en vaut la peine, à mon avis.

En tout cas, un secret de polichinelle aura été éventé avec cette nano-pignouferie de plus au crédit de la presse : elle manque cruellement de journalistes, et emploie beaucoup trop de mannequins en carton bouilli.