et puis...
j'aime cette histoire de bourrasque dans un couple et d'une amie extérieure aurais-je le temps d'y aller, jusqu'au 24 avril
Les femmes du bord de mer
Paris, l’étoile du nord jusqu’au 24 avril 2010
"Au bord de la mer, un couple prend des vacances. Ils ont un petit enfant et la vie a déjà fait chez eux de discrets ravages. La jeune femme manifeste sans cesse son amour, lui est gêné par tant d’affection. Ils s’irritent au lieu de se comprendre. Il part un jour, pour un court entracte, parce qu’on l’appelle, dit-il, à son travail. Elle se met à parler à une inconnue, à lui confier le bébé. Cette femme est une photographe professionnelle. C’est dire qu’elle appartient à une autre planète. Face aux gens simples, elle peut passer pour une personne compliquée. Pourtant, les deux femmes s’aiment d’amitié, partagent entre elles plus de choses qu’elles ne le pensaient au départ. Le mari revient et la femme photographe s’en va, non sans laisser un album contenant quelques documents qui témoignent de ce temps fugitif. Et la vie d’avant reprend, peut-être pas tout à fait comme avant. Carole Thibaut est un auteur-metteur en scène qui, avec sa compagnie Sambre, compte déjà depuis une dizaine d’années dans le paysage théâtral. Cet Eté, qu’elle définit comme « une pièce sur le regard », n’appartient pas à son registre polémique ou franchement douloureux. Tout est dans la suggestion, l’impalpable, le secret, la fêlure invisible, les silences d’avant et d’après les mots. Qu’on y fasse allusion à la photographie n’est pas étonnant. Carole Thibaut capte une banalité qui, exposée, devient étonnamment éclairée et éclairante. Elle place et déplace ses acteurs dans une lumière et un décor minimal où tout est sans éclat mais sans faux-semblant. Du texte à la mise en scène et aux images projetées discrètement en arrière-plan, tout paraît quotidien et tout est saisissant. Isabelle Andréani, qui joue l’épouse à travers des états d’âme souffrant sous l’écorce de la gentillesse, Jacques Descorde, qui interprète le mari en dessinant le machisme ordinaire, et Sophie Daull, qui incarne la photographe en nuançant une supériorité sociale qui s’effrite, forment un trio de grande qualité. C’est une estampe où le trait est, sans effets, d’une justesse foudroyante.
Eté de Carole Thibaut, mise en scène de l’auteur, scénographie de Eté Carole Thibaut et Patricia Labache, lumières de Didier Brun, son de Pascal Bricard, costumes de Magali Pichard, vidéo de Carole Thibaut, avec Isabelle Andréani, Sophie Daull et Jacques Decordes. Etoile du Nord, tél. : 01 42 26 47 47, puis à Fossses les 9 avril et 7 mai, à Villiers-le-Bel le 11 mai. Durée : 1 h 15. Texte aux éditions Lansman."
Les Oiseaux d’Aristophane Par Dominique Darzacq
Le ramage et le plumage
Paris, Comédie Française et en alternance
"La démocratie ne serait-elle qu’un caquetage de volière ? Oui, semble nous répondre Aristophane dont la verve satirique ne s’exerça pas seulement contre les bellicistes ou les corrompus. Plus réactionnaire que hardi démocrate, il ferraille également contre les utopies de son temps. Avec Les Oiseaux, c’est l’échec d’un rêve, la création d’une cité idéale qu’il met en scène.
Fatigués de vivre au milieu des procès, deux athéniens, Pisthetairos (Fidèle ami) et Evelpidès (Bon espoir), décident de fuir la ville. Guidés, l’un par une corneille, l’autre par un choucas, ils vont rendre visite à la Huppe, un humain devenu oiseau par la volonté des dieux, pour lui demander s’il avait connaissance d’un coin tranquille où ils pourraient s’établir. Séduit par le récit idyllique de la vie des oiseaux que leur fait la Huppe, Pisthetairos, qui réfléchit vite et est beau parleur, convainc les oiseaux de fonder une cité idéale qui fera barrage entre les hommes et les dieux. Située à égale distance des uns et des autres, Coucou-les-Nuées se voit assaillie d’intrus d’en haut et d’en bas.
Les oiseaux qui ont cru aux beaux discours, verront leur rêve de cité idéale se fracasser contre l’exercice du pouvoir de Pisthetairos qui en a pris les commandes. Dindons de la farce, il devront se soumettre à l’ordre démocratique ou servir de casse-croûte en cas de rébellion. Si le rêve d’une cité idéale reste actuel, la fantaisie débridée qui l’emmaillote, présentée aux jeux d’Athènes en 414, est farcie de jeux de mots et d’allusions à une actualité immédiate qui nous échappent aujourd’hui, à des personnages que nous ne connaissons pas. Pour résoudre la distance, Alfredo Arias, qui signe l’adaptation et la mise en scène, substitue « la réalité immédiate » d’Aristophane à la sienne, aujourd’hui, et la met à sa main de créateur pour qui le théâtre est la seule terre habitable. Ainsi, sous l’aile des volatiles d’Aristophane greffe-t-il un zest d’ADN de célèbres personnages de théâtre, qui deviennent les chimériques intermédiaires entre les citoyens et ceux qui les gouvernent.
Une chatoyante fantaisie musicale
Et puisque Les Oiseaux font leur entrée au répertoire de la Comédie Française, c’est elle qui devient le rêve de la cité idéale. Ce qui ne manque pas de sel quand on sait que les avatars des lois démocratiques qui régissent la vénérable institution font de Catherine Hiégel, comédienne majuscule et de ceux qui la font rayonner, une sociétaire honoraire ! Ironie suprême, pour un de ses derniers rôles au Français, c’est à elle qu’échoit celui de l’habile maître d’œuvre de la Cité des oiseaux à qui elle inocule en finesse, toute sa menaçante vérité.
Par ses allusions aux problèmes et travers de notre moderne société, comme dans sa manière de jouer sur tous les registres, de la farce, du grotesque, de la caricature comme de la féerie, la translation de Coucou-les-Nuées en Coucou-sur-scène (beaux décors de Roberto Platé) est fidèle à l’essence comme à l’esprit d’Aristophane. Elle s’opère en une fastueuse et chatoyante fantaisie musicale, magistralement emplumée par l’inventive Françoise Tournafond qui signe les costumes, mais qui souffre des mélodies un peu trop conventionnelles de Bruno Coulais. Un inconvénient heureusement compensé, à quelques exceptions près, par l’alacrité d’une troupe qui s’amuse et nous amuse de la métaphore. Parmi ceux-ci, outre Catherine Hiégel, Loïc Corbery, Coryphée survitaminé, Catherine Salviat Huppe-Folle de Chaillot chef de troupe déterminée, Hervé Pierre clown Fregoli, composant un irrésistible Karl Lagerfeld vendeur de décrets. Par la faconde imaginative de leur jeu, ils donnent tout son jus à un spectacle qui conjugue divertir et réfléchir. Aristophane ne faisait pas autre chose."
Les Oiseaux d’Aristophane. Traduction, adaptation, mise en scène Alfredo Arias Avec Catherine Salviat, Catherine Hiégel, Martine Chevalier, Alain Langlet, Céline Samie, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Shahrokh Moshkin Ghalam, Hervé Pierre, et les élèves-comédiens de la Comédie Française : Camille Blouet, Christophe Dumas, Florent Gouëlou, Géraldine Roguez, Chloé Schmutz, Renaud Triffault ; Comédie Française, salle Richelieu en alternance jusqu’au 18 juillet Durée 1h30 tel : 08 25 10 16 80
Texte publié à l’Avant-scène théâtre
photographie : Brigitte Enguérand