Je crève de pitié… (Francis Jammes)

Par Arbrealettres


Je crève de pitié, d’aimer et de sourire:
mais, sourire, ne m’est pas toujours possible,

et ce petit chat m’a rempli d’une tristesse grise.
Il miaulait sous la grande porte de la mairie,

par ce soir pluvieux, boueux, et j’ai senti
toute l’infinité résignée et muette

de la douleur des bêtes, de la douleur des bêtes.
Mon Dieu : qu’allait-il faire? Qu’allait-il faire?

Son malheur est si triste sous la pluie.
Qui va le nourrir? Qui va le nourrir?

Oh! s’il allait, en tremblotant, là, mourir,
— ou devenir un triste chat des saligues

qui crève, dans la boue malsaine, de famine,
de grelottement, de croûtes et de fièvre

— ou être tué par un chien qui le prend pour un lièvre.

(Francis Jammes)