Cunégonde au-dessous du volcan 6

Publié le 23 avril 2010 par Porky

(Suite de la scène 5)

LE PRESIDENT

Prononcer son beau nom !  Amusant. Et facile.

Comment voulez-vous donc qu'en un souffle on enfile

Un nom comme cela ?

CUNEGONDE

                                     Mais il faut essayer.

Je l'ai d'ailleurs noté, de peur de l'oublier.

(Elle fouille une poche de sa combinaison de protection, en sort un papier.)

Ah zut ! Il fait trop noir. Je ne peux pas le lire.

Avez-vous une lampe ?

FEFE DE BROADWAY

                                       Non.

LE PRESIDENT

                                                 Non.

DAKTARI

                                                           Eh, à vrai dire

Notre hâte à partir nous a fait oublier

De prendre l'essentiel, de quoi nous éclairer.

CUNEGONDE (Dépitée)

Comme c'est ennuyeux ! Et pas même un briquet ?

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Oh que vous êtes sots, que vous êtes benêts !

Ce n'est pas compliqué pourtant de l'appeler !

Hjkkksiidddjhljljjfd, es-tu donc réveillé ?

(Grand silence stupéfait. Fifi cesse de jouer de la trompette.)

Pourquoi vous taisez-vous ? N'est-ce pas le moment

De joindre votre voix à mon appel ardent ?

LA MADONE (Sonnée)

Tu parles l'islandais ?

LA LANGOUREUSE ARIELLE

                                  Mais pas du tout. Pourquoi ?

LA MADONE

Ce mot bizarroïde est donc de l'iroquois ?

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Nullement. C'est le nom, tu dois le reconnaître,

Du volcan en question.

LE PRESIDENT

                                     Elle nous prend en traître.

Personne ne savait qu'elle était si capable

De prononcer un mot aussi imprononçable.

LA LANGOUREUSE ARIELLE (Se trémoussant)

Il m'arrive quelquefois d'être un peu surdouée*

ROSIE LA TERREUR

Ce qu'on n'entendra pas !

LE PRESIDENT

                                          Fort bien, belle poupée.

Vous allez donc encor crier ce joli nom

Et comme une chorale avec vous nous suivrons.

LA LANGOUREUSE ARIELLE (Docile)

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

LES AUTRES

Hrjscidousoiufyd ! Hrosjfdlnvdoulgdg !

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Mais ça va pas du tout ! C'est du n'importe quoi !

Vous estropiez son nom ! Mais écoutez donc moi !

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

CUNEGONDE (Prêtant l'oreille)

Elle a certes raison. Nous mettons des voyelles

Or les consonnes là forment une kyrielle.

Rajoutons quelques K, enlevons tous les OU

Scandons bien le refrain, car nous sommes trop mous.

TOUS

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd ! 

(Grand silence. Rien ne se passe.)

 

LA MADONE

Ta scansion, ma chérie, n'a pas donné grand-chose.

Ou ce volcan est sourd, ou bien on l'indispose.

SCARLATINA

J'accorde ma guitare et nous chantons le nom.

LA MADONE

Rengaine donc ta scie, il n'en est pas question.

CUNEGONDE (Têtue)

Recommençons.

FEFE DE BROADWAY

                                    Ah non ! J'ai la voix en compote.

LE PRESIDENT (menaçant, la main en l'air)

Crie ou par Saint Nico, tu prends une calotte !

TOUS

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

Hjkkksiidddjhljljjfd ! Hjkkksiidddjhljljjfd !

(Séisme. La terre se soulève, tangue, nuage de cendres, quelques silhouettes à terre.)

 

Scène 6

LES MEMES, LA VOIX DU VOLCAN

 

LA MADONE (Allongée, le nez dans la cendre)

Mais par mes bigoudis, il va nous écraser !

CUNEGONDE (Idem, accrochée au bras de Leila elle aussi dans la cendre)

Au moins l'incantation l'aura bien réveillé !

LE PRESIDENT (Essayant tant bien que mal de garder son équilibre en s'accrochant à Fifi)

Mais que cet abruti veuille au moins se calmer !

Jamais ainsi, par dieu, on ne m'a secoué !

LA VOIX DU VOLCAN (Eraillée, comme celle d'un gros fumeur de Havanes)

Que voulez-vous de moi, minables détritus ?

CUNEGONDE (A genoux dans la cendre, maintenue par Leïla)

Oh, votre Majesté, vous nous voyez confus

D'interrompre un sommeil si profond, on dirait.

LE VOLCAN

Si je dormais, idiote, est-ce que je fumerais ?

LA MADONE

Il est très excité, tout comme dans mon rêve.

ROSIE LA TERREUR

Est-ce bien le moment de lui parler de trêve ?

LE VOLCAN

Alors, le rang d'oignons, vous déciderez-vous ?

Que me vaut cet ennui de vous voir parmi nous ?

CUNEGONDE

Nous sommes là, Seigneur, pour répondre à l'appel

Qui résonna chez nous d'un ton si paternel.

La Madone et moi-même avons eu un beau songe :

Vous nous parliez, Seigneur ; ce n'est pas un mensonge.

LE VOLCAN

Je me souviens, c'est vrai, qu'au cours d'une insomnie

Dans vos cerveaux spongieux je me suis introduit.

Ainsi vous êtes là en plénipotentiaires ?

CUNEGONDE

Et nous ferons, Seigneur, plus que le nécessaire

Pour suivre en tous les points vos judicieux avis.

LE PRESIDENT (A Cunégonde)

En tous les points, vraiment, c'est un peu vite dit.

LE VOLCAN

Puisque vous êtes là, finissez l'ascension.

Je vous attends en haut pour les discussions*.

LA MADONE

N'est-il donc pas possible, ô votre Majesté

Que nous restions ici ? Très rude est la montée...

LE VOLCAN

C'est ça ou rien, Madone.

LE PRESIDENT

                                         Est-ce un ultimatum ?

FEFE DE BROADWAY (Regardant la pente qu'on voit à peine)

Il va falloir ramer et ce un maximum.

LE VOLCAN

C'était mon dernier mot. A vous de décider

Si jusqu'à mon sommet, vous désirez grimper. 

(Petit séisme, juste histoire de faire chanceler tout le monde.)

CUNEGONDE

Nous n'avons pas le choix. En route, mes amis.

Pour l'Europe et le monde et pour notre pays ! 

(On les voit vaguement commencer la montée avec beaucoup de peine)