« Les saisons de la solitude » est un très beau roman qui offre une fresque particulièrement dépaysante nous plongeant à la fois dans le grand nord Canadien et la vie des indiens Cree ainsi que dans le monde de la nuit des grandes villes d’Amérique du Nord où se côtoient mannequins et DJ.
L’ensemble du récit s’articule de façon très binaire avec tout d’abord deux voix différentes. D’abord, il y a celle de Will, vieil indien plongé dans le coma à la suite d’une agression et dont l’esprit nous raconte l’histoire, le mode de vie, les douleurs et les épreuves traversées. L’autre voix est celle de sa nièce Annie, qui le veille sur son lit d’hôpital et tente de le ramener à la vie en lui parlant le plus possible, en lui dévoilant la partie de sa vie que Will ne connaît pas, celle qui s’est déroulée depuis son départ de leur petite ville de Moosonee pour rejoindre les grandes villes du Sud, New York et Toronto.
Ces deux voix s’entremêlent révélant les clivages entre les deux générations et ce mélange s’accompagne également du contraste entre le Nord Canadien et les « villes du Sud », entre la vie en pleine nature et celle des milieux urbains ultra-modernes, entre les traditions anciennes et les us de vie plus contemporains. Chaque chapitre présente une alternance entre les deux voix, entre les deux générations, entre les deux univers géographiques. On en ressent d’autant plus le tiraillement et la difficulté à trouver sa place d’Annie, écartelée entre ses origines Cree et les apparentes facilités de la vie moderne.
Toutes ces oppositions peuvent sembler faciles et évidentes mais il en reste néanmoins un roman très bien documenté qui illustre parfaitement les conflits intérieurs et les difficultés des hommes et des femmes qui souhaitent vivre de pleins pieds dans notre monde moderne tout en conservant leur culture propre et leurs traditions. Le récit de Joseph Boyden constitue également un beau et poignant témoignage sur le grand nord Canadien et sur la vie des indiens, désormais cantonnés à des réserves, forcés à adopter un mode de vie qui n’est pas le leur et dont des générations entières sont ravagées par l’alcool et les drogues en provenance des mondes « du Sud ».