Magazine Culture
Le Point-Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel de Ville
Spectacle mis en scène par Kader Aoun
Ma note : 7,5/10
Pitch : Venez découvrir le seul homme qui a réussi, en une heure de rire, à fédérer contre lui son ex, ses parents, sa grand-mère, Benoît XVI, la Ligue des Droits de l’Homme, le Kop de Boulogne, le Dalaï Lama, l’association des ex de Carla Bruni, le coiffeur-visagiste de Franck Ribéry, le père de Jean Sarkozy, le labrador de Gilbert Montagné, et la moitié de la communauté gay de Kaboul… Mathieu Madénian nous livre sa vision du monde et en profite pour se (et nous) venger des petites et des grandes humiliations de la vie.
Mon avis : A 25 ans, Mathieu Madénian a quitté son métier d’avocat pour ne plus plaider que sa cause. Quand il a jeté sa robe, ce n’était en tout cas pas aux orties. En effet, il a préféré cueillir ces herbacées urticantes pour les mêler au bouquet de réflexions qu’il nous livre sur scène. Parce que pour être piquant, le garçon est piquant.
Après une ébauche d’entrée en scène « à l’Américaines », il établit immédiatement une sorte de dialogue avec le public. Un public dans lequel il choisit quelques interlocuteurs privilégiés en fonction de leur âge, de leur façon de réagir à certains de ses propos, ou parce qu’ils ont une tête qui lui revient. Il ne les lâchera plus de la soirée, créant ainsi une espèce de running gag qui a l’heur de plaire à leurs voisins qui s’en trouvent ainsi épargnés. Mathieu Madénian ne triche pas. Il se raconte. Avec sincérité, avec honnêteté sans craindre de se moquer de lui-même. Remarquez, il y a de quoi quand on porte sur ses épaules le double fardeau d’être d’origine arménienne et Perpignanais. Alors, pour se venger, il n’hésite pas à s’en prendre aux autres minorités : les trisomiques, les nains, les Beurs, les Blacks, les handicapés, les homos, les personnes âgées, les asiatiques et, surtout, les filles. C’est son petit gène acide à lui…
Avec une évidente gourmandise pour un humour noir et grinçant, dans une sorte de stand-up à la sauce catalane, il se livre à un long témoignage dont il est le personnage central. Ses propos sont régulièrement émaillés de remarques, d’allusions et de saillies tout le temps drôles et souvent féroces (exemple, un conseil de son père : « Ne te bats jamais avec quelqu’un de plus moche que toi car, lui, il n’a rien à perdre »). Il possède un art consommé tout personnel de pratiquer l’effet double lame, ou l’effet kiss kool (pour les filles qui, a priori, ne se rasent pas). C’est-à-dire qu’il émet une objection qui nous dresse le poil (première lame), on pense qu’il en a fini quand il balance la deuxième qui, elle, coupe carrément dans le vif, provoquant sursaut de rire et quelques réactions délicieusement outrées. Et comme, vu la toile émeri qui recouvre ses joues, il n’utilise guère ce genre d’outil, ses fameuses lames sont extrêmement affutées. Avec ce champion du double salto, il faut toujours attendre la chute avant de passer à autre chose.
Et puis il reste une raison pour vous inciter à aller assister à son spectacle : jamais au cours de ma longue carrière, je n’ai vu un individu imiter aussi étonnement… la mouette (la mouette du Marais de surcroît, espèce très rare). C’est confondant de mimétisme et de réalisme. Rien que pour découvrir cette performance d’acteur…
Sans jamais s’épargner au passage, il nous narre par le menu son arrivée à Paris, sa découverte du métro et de ses usagers, il décrypte à sa façon certaines émissions télé, ironise sur Ben Laden, le pape et Ribéry, se moque gentiment de sa grand-mère Jeannette… Le dernier quart de son spectacle étant plus consacré à ses relations avec les filles (pisseuses et pleurnicheuses) et plus précisément avec son ex. Après nous avoir avoué « je suis mauvais en plan cul, je suis ceinture blanche », il nous confie son absolue adoration pour les seins. Un sentiment que presque toute la salle parage quel que soit le côté de la poitrine où l’on se trouve.
Mathieu Madénian est un peu comme un bon copain qui aime bien se mettre à délirer et faire le show devant une poignée d’intimes. Cet intarissable tchatcheur dégage une réelle sympathie. Car il a l’art de proférer les pires insanités en les gommant illico d’un sourire mi-sadique, mi-enfantin. Du coup, il peut tout faire passer. Il y a indéniablement un potentiel énorme chez ce garçon. Je pense qu’on ne va pas tarder à le voir gravir quatre à quatre les marches du succès et séduire les gens de télévision toujours à la recherche d’intervenant réactifs, dotés d’un redoutable sens de la répartie. « L’homme le plus drôle du 11è arrondissement » va bientôt dépasser les frontières de son quartier, franchir le périph et partir à la conquête de l’hexagone, voire déborder sur la Suisse, la Belgique et le Québec. Il n’y a vraiment plus de Pyrénées (Orientales)…