CJUE, arrêt du 22 avril 2010, ABPI, C-62/09.
Telle est en substance la question posée à la Cour dans un litige opposant l'administration anglaise à une association professionnelle de pharmaciens (l'ABPI)...
Photo: Hugh Laurie, aka Dr House.
L'article 94 de cette directive interdit en effet "d'octroyer, d'offrir ou de promettre à ces personnes une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et n'aient trait à l'exercice de la médecine ou de la pharmacie". Principalement destiné à l'industrie pharmaceutique, la question se pose de savoir s'il peut également trouver à s'appliquer aux pratiques d'une administration publique.
La Cour répond par la négative, contrairement à l'avis soutenu par l'ABPI et la Commission européenne (Voir également les conclusions divergentes de l'AG).
Selon la Cour (point 33), "d’une manière générale, la politique de santé définie par un État membre et les dépenses publiques qu’il y consacre ne poursuivent aucun but lucratif ni commercial. Un système d’incitations financières tel que celui en cause au principal, relevant d’une telle politique, ne saurait donc être considéré comme s’inscrivant dans le cadre de la promotion commerciale de médicaments".
La santé publique n'est pas mise en danger par une telle pratique, en effet "il est loisible auxdites autorités, dans le cadre des responsabilités qu’elles assument, de déterminer, sur la base d’évaluations des vertus thérapeutiques des médicaments en fonction de leur coût pour le budget public, si, aux fins du traitement de certaines pathologies, certains médicaments contenant une substance active donnée sont, du point de vue des finances publiques, préférables à d’autres médicaments contenant une substance active différente, mais relevant de la même classe thérapeutique" (point 35). C'est ce qui distingue l'affaire en cause du précédent Daamgard où "la diffusion, par un tiers indépendant, d’informations relatives à un médicament était susceptible de nuire à la santé publique, dont la sauvegarde est l’objectif essentiel de la directive 2001/83" (point 34).
Bref, encore une pierre (voir ici, et ici) à l'édifice d'une jurisprudence qui semble de plus en plus considérer que l'Etat est le meilleur garant possible de la santé publique :-). En tout cas, dans ce domaine, la marge de manœuvre des Etats membres pour façonner un système sociale à leur mesure semble considérable.
Toutefois, il faut "s’assurer que le système d’incitations financières mis en œuvre par les autorités publiques s’appuie sur des critères objectifs et qu’aucune discrimination n’est opérée entre les médicaments nationaux et ceux provenant d’autres États membres" (point 37). Deux lignes directrices sont données:
- "Les autorités nationales en charge de la santé publique adoptant un système d’incitations financières sont notamment tenues de rendre public un tel système ainsi que de mettre à la disposition des professionnels de la santé et de l’industrie pharmaceutique les évaluations établissant l’équivalence thérapeutique entre les substances actives disponibles appartenant à la classe thérapeutique faisant l’objet dudit système" (point 38).
- "De telles pratiques d’incitations financières (...) ne sauraient porter atteinte à l’objectivité dont (...) doit faire preuve le médecin en effectuant une prescription à l’égard d’un patient déterminé (point 39).