Il y a quelques semaines, j’ai été contactée par le magazine Ici Londrespour inaugurer leur nouvelle rubrique « Frenchies in London » illustrée par la talenteuse Lili Bé. Il s’agissait de rédiger une petite chronique sur le sujet de mon choix. Les sandwiches triangles, la circulation, la recherche d’appartement ? Ce n’était pas l’inspiration qui manquait. En revanche, la place, si. Si vous lisez mes chroniques depuis quelque temps, vous savez que je fais rarement dans la concision. Après avoir envoyé ma première proposition d’article à Ici Londres se sont donc ensuivies de longues et âpres négociations avec la charmante Amandine.
Amandine : Eva in London, il est bien votre texte, mais il est deux fois trop long. On avait dit 1 500 signes maximum, titre compris, et il en fait 3 000 !
Eva in London : Allez, soyez sympa, 1 500 signes, c’est très court. C’est beaucoup plus facile d’être drôle en 3 000 signes.
Amandine: Peut-être, mais y a pas la place. Il va falloir d’être drôle en 1 500 signes.
Eva in London : Même en poussant un peu la pub, en ne mettant aucun espace et aucun retour à la ligne, bref, en rendant le texte complètement illisible ?
Amandine : Désolée, mais c’est toujours non. Il faut couper.
Eva in London : Qu’est-ce qu’on peut faire alors ?
Amandine : ben… couper.
Finalement, et bien des casse-têtes et beaucoup de bonne volonté plus tard, mon texte ne fut que peu coupé. En voici néanmoins et en exclusivité la version d’origine non abrégée. Bonne lecture !
A chaque fois, c’est pareil.
Qu’il s’agisse d’une amie d’enfance (qui n’a pas remis les pieds à Londres depuis un voyage linguistique aussi inutile qu’hors de prix), de votre grand-mère ou d’un vague cousin de passage, ils veulent TOUS prendre le bus lorsqu’ils viennent vous rendre visite à Londres. A croire que c’est une expérience particulièrement exotique.
Et c’est vrai.
Tout commence par l’achat du billet. En Londonien averti, vous avez soigneusement équipé votre amie / grand-mère / cousin d’une Oyster card (« Surtout pas de billet, c’est deux fois plus cher, malheureux ! »). Malheureusement, votre compagnon de route l’a déjà égarée. Pas grave, il reste toujours la solution de dépannage : une petite machine qui semble avoir été rescapée des années 1930, et ne fait évidemment pas l’appoint.
Votre billet en main, vous pensez avoir fait le plus difficile. Erreur : au bout de dix minutes d’attente, vous réalisez que si votre bus n’est toujours pas passé, c’est parce qu’il ne passera jamais. Du moins là où vous êtes, c’est-à-dire à l’arrêt B.
Quelques minutes de marche plus tard (« Excusez-moi, savez-vous où est l’arrêt W, s’il vous plaît ? », demandez vous piteusement aux passants, tandis que votre amie / grand-mère / cousin réalise que vous ne connaissez pas mieux Londres qu’eux), le bus arrive enfin. Pas de chance : il affiche un « Sorry, not in service » de mauvais augure.
Heureusement, le bus suivant est disposé à prendre des passagers. Résistant vaillamment aux à-coups qui menacent de vous jeter à terre à chaque instant – rapport à la conduite pour le moins brutale du chauffeur – vous vous lancez dans l’ascension des escaliers pour profiter de la vue du deuxième étage. « Quel plaisir de pouvoir découvrir Londres de manière aussi pittoresque ! », s’exclame votre acolyte, ravi. De votre côté, vous savourez enfin le sentiment du devoir accompli.
C’est alors que résonne une voix nasillarde : « La destination de ce bus a changé. Tous les voyageurs sont invités à descendre au prochain arrêt. »
La prochaine fois, pittoresque ou pas, vous prenez le métro.
Et bravo Lili Bé !