Comment ne pas être hostile au port d’une tenue considérée globalement comme portant atteinte à la dignité de la femme ? Comment ignorer toutefois qu’il n’existe aucun moyen réel et sérieux de mettre un terme à un phénomène ultra-marginal ? Le petit jeu mené par l’exécutif est celui du pompier pyromane, éteindre par le feu quelques flammèches. Ce faisant il va contribuer à instrumentaliser une tenue vestimentaire, à développer un acte de prosélytisme d’une fraction de pratiquants musulmans et un sentiment de victimisation.
Il s’agit de “ne pas laisser dériver le phénomène“, signe “d’un repli communautaire et d’un rejet de nos valeurs“, a précisé Luc Chatel porte-parole du gouvernement qui a avancé que la burqa est portée en France par environ 2 000 femmes. Il y a encore peu on évoquait alors seulement quelques centaines, en vérité, on ne dispose d’aucun chiffre fiable.
Plus que la tenue vestimentaire elle-même, le message qui est envoyé est destiné à une pratique religieuse jugée trop voyante qui n’est pas sans rejoindre la problématique de la présence de minarets dans le ciel européen.
Le Conseil d’Etat, sollicité fin mars par le Premier ministre sur la question, avait estimé qu’une interdiction générale et absolue du port du voile intégral ne reposerait sur “aucun fondement juridique incontestable“. Une mise en garde sérieuse qui était assortie d’une piste intéressante : interdire de se cacher le visage dans certaines circonstances.
Cette solution à l’esprit beaucoup plus républicain aurait eu pour immense avantage d’éviter de donner le sentiment de vouloir stigmatiser une communauté en particulier.
Au lieu de cela, l’exécutif préfère une nouvelle fois les coups de menton et les claquements de talon. Pourtant, même les juristes en herbe savent que les interdictions générales et absolues sont vouées à être censurées par les juges. C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé à l’AFP Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université de Montpellier qui a assuré que la loi d’interdiction générale telle qu’envisagée par le gouvernement sera censurée par le Conseil constitutionnel.
A titre personnel le député PS Pierre Moscovici a jugé avec sévérité au micro de France Inter l’attitude de l’exécutif : “Ça me paraît être une politique de gribouille. C’est une politique qui vise uniquement à servir certaines clientèles ou à satisfaire certains instincts, ça n’est pas la bonne attitude”.
Le député du Doubs partage l’idée que la burqa est un problème : “c’est une indignité faite aux femmes et la burqa n’a pas sa place dans l’espace public” mais estime que la loi risque de raviver une série de querelles religieuses, communautaires : “Je pense que c’est une loi de stigmatisation et je crains que ce ne soit une loi inapplicable“.
Un sentiment partagé pour ce dernier point par le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye (UMP) : “Je ne sais pas comment on va faire avec les Saoudiennes qui viennent acheter sur les Champs Elysées, par exemple“.
Bernard Accoyer, a souhaité sur France Info une procédure “non accélérée“, “sereine“, ajoutant que le président du Sénat Gérard Larcher, est “sur la même ligne” que lui. Le président de l’Assemblée nationale a également fait part de sa préoccupation d’avoir quelque chose d’applicable techniquement et solide juridiquement.
Comme le relève Jacques Guyon dans La Charente libre, le risque c’est que la République se prenne les pieds dans le tapis et qu’une censure des Sages devienne alors une arme de propagande inespérée pour les extrémistes religieux.
Pierre Moscovici - France Inter
envoyé par franceinter.