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Communication de crise

Publié le 21 avril 2010 par Toulouseweb
Communication de criseLe secteur aérien a perdu pied, la faute d’un Volcan. Etonnant.
C’est un sujet tabou : les compagnies aériennes n’évoquent jamais la maničre dont elles préparent leur communication de crise Ť au cas oů ť. Mais le manuel est toujours ŕ portée de la main, les grands communicateurs n’oubliant jamais qu’un faux pas, dans les heures qui suivent un accident, ne se rattrape pas. Et peut avoir des effets ravageurs sur la crédibilité de toute déclaration ultérieure.
Cela étant dit, la Ťcriseť, mot pudique qu’il convient de traduire par Ťaccidentť, se décline aussi en d’autres acceptions. Et c’est lŕ que le bât blesse, de toute évidence. La notion de crise peut apparaître sous divers aspects, l’exemple le plus spectaculaire de ces derničres années étant évidemment celui des attaques terroristes du 11 septembre 2001. L’espace aérien américain a été fermé dans l’heure, entraînant, toutes autres considérations mises ŕ part, le chaos complet dans l’aviation commerciale tout entičre. Chacun s’en souvient.
Ces jours-ci, c’est un volcan islandais qui était ŕ l’origine d’un extraordinaire arręt sur image, inédit, compliqué, grave, coűteux. Il en est résulté une crise hors du commun dont il convient d’ores de déjŕ de tirer les leçons. Lesquelles sont tout ŕ la fois étonnantes et décevantes.
Les compagnies aériennes ont réagi vite, décontenancées par l’origine de problčmes tombés du ciel. En revanche, volcan ou pas, elles devaient prendre en compte, au plus vite, un besoin d’information, sachant que les avions étaient cloués au sol, une situation mettant des centaines de milliers de passagers dans l’embarras. Mais que dire, sur base de quelles informations ? Les responsabilités se sont aussitôt déplacées vers les autorités, ministres, gouvernements, confrontés ŕ la męme déficience et, en France et ailleurs, faisant preuve de bien peu de réactivité.
Les regards se sont ensuite tournés vers l’Europe, sachant que les avions, d’un point de vue opérationnel, ignorent superbement les frontičres. Il y avait danger, la sécurité était en cause mais l’AESA, Agence européenne pour la sécurité aérienne, restait étrangement silencieuse. Une semaine plus tard, elle était encore muette. L’Union européenne, la Commission européenne, le commissaire européen aux Transports ? Il leur a fallu cinq jours pour organiser une premičre réunion, cinq jours. Les ministres ont alors pu s’arracher les cheveux de concert, mais ils n’ont pas pour autant convoqué des états généraux de la vulcanologie qui auraient peut-ętre permis de comprendre et, dans la foulée, de communiquer intelligemment et utilement.
Sur base de quels critčres clouait-on les avions au sol ? En application du seul principe de précaution ? La męme question s’est ensuite posée quand ont été ouverts d’improbables corridors, initiative bientôt suivie par la réouverture de l’espace aérien. Alors qu’il était par ailleurs question d’une aggravation de l’éruption du désormais célčbre Eyjafjöll.
Męme l’OTAN a apporté sa contribution au chaos généralisé. Le moteur Pratt & Whitney F100 d’un chasseur F-16 a subi un début de vitrification provoqué par les cendres volcaniques, incident qui tendait ŕ confirmer l’existence d’un réel danger. Mais, au nom du secret militaire, l’OTAN n’a fourni aucune explication, contribuant ainsi ŕ semer le doute dans les esprits. Côté industrie, seul Airbus s’est exprimé, en termes au demeurant rassurants, aprčs avoir procédé ŕ un vol test. Des propos bienvenus encore que tardifs.
Ces errements ŕ 1,7 milliard de dollars (chiffre avancé par l’IATA) mériteront qu’on y revienne. Et si ce n’était pas spontanément le cas, les 7 millions de passagers abandonnés dans les aérogares du mode entier se chargeraient ŕ coup sűr d’un rappel ŕ l’ordre. Il n’y a rien de pire que ne pas comprendre ce qui se passe ou de ne pas ętre informé par qui de droit.
Cette situation, empreinte de paradoxes, ne constitue d’ailleurs pas une exclusivité aérienne. Pour le vérifier, il suffit de s’en référer aux récriminations récurrentes des clients de la SNCF ou Eurostar chaque fois que se produit un incident qui affecte la bonne marche du réseau TGV. Tous se plaignent de ne pas ętre suffisamment bien informés tandis que les communicants ne communiquent pas, généralement parce qu’ils sont eux-męmes en manque d’informations. Un curieux cercle vicieux.
Reste maintenant ŕ savoir s’il était justifié de fermer l’espace aérien européen, pourquoi l’Europe est restée trop longtemps aux abonnés absents, pourquoi la communication de crise n’a pas fonctionné. En attendant, ŕ chacun d’exprimer ŕ sa maničre étonnement et déception.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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