Parallèlement aux travaux d’une commission constituée par des élus municipaux d’opposition afin d’enquêter sur la gestion du patrimoine immobilier de la commune d’« Iaşi » (Roumanie) par son maire, un de ces élus tint deux conférences de presse où il accusa ledit maire d’être « au sommet de la pyramide des illégalités » et d’une « mafia des immeubles » (§ 7-9). Ces propos lui valurent d’être condamné au paiement d’une lourde amende ainsi qu’au versement de dommages-intérêts au bénéfice du maire, à l’origine de la procédure pénale pour diffamation.
Sur le terrain de l’article 10 (liberté d’expression) et, plus encore, de la nécessité de l’ingérence au sein de cette liberté constituée par la condamnation du requérant (§ 46), la Cour européenne des droits de l’homme commence par rappeler que « le fait de qualifier d’illégaux les actes d’un maire, en exprimant un avis personnel de nature juridique, constitue un jugement de valeur et doit être analysé comme tel » (§ 51). Cependant, même si, en ces circonstances, « l’obligation de preuve est donc impossible à remplir » (§ 52), la Cour relève « qu’il y avait bien [dans le rapport de la commission précitée et l’enquête de police] une base factuelle suffisamment étayée à l’origine des propos tenus par les requérant » (§ 55). Mais le cœur de la critique strasbourgeoise réside surtout dans l’insuffisante prise en compte par les juridictions roumaines du « contexte politique dans lequel les propos ont été tenus [et] de l’intérêt général en jeu » (§ 54). En effet, les juges européens constate que « les propos litigieux [ont été tenus] en tant que conseiller municipal, membre d’un parti d’opposition et de la commission susmentionnée » (§ 56), d’où le fait qu’ils bénéficient de la protection conventionnelle accrue accordée aux discours des personnages politiques, en particulier pour des propos de membres de l’opposition visant un autre homme politique ès qualité (§ 56 et 57 - v. récemment Cour EDH, 4e Sect. 2 février 2010, Kubaszewski c. Pologne, Req. no 571/04 - Lettre Droits-Libertés du 3 février 2010 et CPDH “liberté d’expression” ou “Pologne”).
Or, ici et dans un tel contexte, ces propos ne sont pas jugés par la Cour comme ayant dépassé « les limites de l’exagération ou de la provocation admissibles » (§ 57).
Partant, et compte tenu également de la lourdeur des sanctions infligées (§ 59), la Roumanie est condamnée pour violation de la liberté d’expression (article 10).
Cârlan c. Roumanie (Cour EDH, 3e Sect. 20 avril 2010, Req. n° 34828/02)
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Actualités droits-libertés du 20 avril 2010 par Nicolas Hervieu