François Hollande, dans un entretien au Monde dimanche 18 avril (lien abonné ici), réaffirme quelques évidences. Il est curieux qu’il faille à gauche réaffirmer le bon sens - comme si ce parti était décidément ancré hors du réel.
Quelle sont ces évidences ?
1. Le Conseil d’Orientation des Retraites a été mis en place par Jospin (de gauche et socialiste, pour ceux qui auraient déjà oublié). Il ne s’agit donc pas « de casser le baromètre sous prétexte qu’il annonce du mauvais temps » ;
2. Si de nouvelles ressources sont nécessaires, cela ne dispense pas « d’un effort contributif et productif » car « l’avenir des retraites ne peut se résoudre uniquement par l’impôt » ;
3. « Une élection ne se gagne pas clan contre clan, dans la stigmatisation, mais sur un thème fédérateur qui réconcilie les Français » - un avenir pour les enfants des classes moyennes ;
4. « Tout ne peut pas être assuré par l’Etat ou relever de la loi, nous sommes individuellement comptables de la façon dont fonctionne une société » ;
5. « Les marchés financiers ne sont pas des Bisounours. Les rapports de force existent » ;
6. « Le centre de gravité du monde s’est déplacé vers la Chine et l’Inde. L’Europe est en état de faiblesse » ;
7. « Ce qu’on attend des Socialistes, c’est qu’ils énoncent clairement leurs choix » - un « espoir crédible » car « la victoire ne se construit pas sur une décomposition » [du sarkozysme] ;
François Hollande, précédent Premier secrétaire et candidat à la prochaine candidature socialiste à la Présidentielle, se pose dans cet entretien en homme de gauche responsable et en candidat crédible. Il fait de l’emploi des jeunes la priorité, en insistant sur l’éducation et l’écologie. On peut arguer qu’il oublie l’emploi des seniors – les premiers concernés par le déficit des retraites des prochaines années ! - mais l’intérêt premier de ce discours est qu’il élargit le débat.
Il pointe en négatif les sept péchés capitaux du Parti socialiste (nous le traduisons) :
1. La colère : casser le baromètre quand il n’annonce pas du rose, manifester contre « la mondialisation » ou autre poupée vaudou, dissoudre le peuple quand il ne vote pas pour vous ;
2. L’envie : faire payer les riches n’est qu’un slogan. Au-delà de la nécessaire répartition fiscale, le surplus de recettes ne suffit jamais au tonneau des danaïdes de la dépense sociale. La France n’a-t-elle pas un taux de prélèvement obligatoire dans les premiers de l’OCDE, tout en ayant des services publics très moyens ? Déjà réformer l’Etat et savoir pour quoi bien dépenser.
3. La paresse : on ne gagne pas une élection par dépit (sauf si Marine défie Martine au premier tour), mais sur un projet d’avenir. L’antisarkozysme est la facilité des braillards, il excuse l’absence d’idées – où est donc le projet socialiste ?
4. La luxure : l’étatisme primaire relayé par le maternage d’Etat des social-candidates, n’est pas crédible. On ne peut mettre un flic derrière tout délinquant potentiel, ni faire une loi à chaque événement. Chacun est aussi responsable de lui-même et des autres. Qu’on le dise donc !
5. L’orgueil : il ne suffit pas de chanter l’utopie pour qu’elle survienne. Il faut être conscient du rapport des forces, en France mais aussi en Europe et dans le monde pour réaliser le possible. Le temps où chaque Etat faisait ce qu’il voulait, protégé par des frontières bien gardées et des droits de douanes dissuasifs, dévaluant sa monnaie en cas de dérapage, est bien fini. Les marchés ne sont que le censeur des erreurs et des laxismes. S’ils ne font pas ce qu’ils veulent (contrairement au mythe du complot Juif américain de Wall Street), ils sont impitoyables en cas de dette excessive ou de monnaie non crédible.
6. L’avarice : ignorante du reste du monde (travers de gauche déjà pointé par Hubert Védrine), la France est intriquée dans l’euro, dans l’Union européenne, et partie d’un ensemble mondial où elle doit négocier sa place (UE, G20, ONU, OMC, UNESCO…). Négocier, ça veut dire aussi “donner” et pas tout garder pour soi, ses principes, ses sous et le sourire des Chinois… Un peu d’ouverture mentale ne nuirait pas aux socialistes.
7. La gourmandise : ni les incantations, ni le rejet des sortants, ne suffisent à donner confiance pour gagner les présidentielles 2012. Il faut présenter aux électeurs des choix clairs (donc travailler et ne pas attendre que tout tombe tout cuit dans le bec) – ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui !
Si la droite va mal parce que son chef préfère ses épouses à Marianne et l’agitation en paroles aux actes mûrement réfléchis et négociés, la gauche ne va guère mieux. Au bal des prétendants, les ex des deux bords ne concourent pas sans casseroles : les grandes grèves de 1995 pour Juppé, le CPE et le pas clair stream pour Villepin, les 35 heures pour Aubry, le Rainbow Warrior et le sang contaminé pour Fabius, la synthèse-foutaise pour Hollande…
Les Français sont inquiets – légitimement – au vu de ceux qui se proposent de faire plus tard tout ce qu’ils n’ont pas fait en étant au pouvoir. Ils veulent être compétitifs comme les Allemands, solidaires comme les Suédois et délivrés de l’omniprésidence comme les Anglais. Vaste programme ! Au vu des appétits fiscaux du PS, de la « solidarité » à la sauce patronale (retraites chapeau, bonus, etc.) ou syndicale (la SNCF toujours en grève malgré les avions cloués au sol) et du marigot élyséen d’où les grenouilles comment à sauter dans tous les sens, ils ont en effet de quoi être inquiets, les Français ! C’est le mérite de François Hollande de le rappeler aux rares qui lisent encore les journaux.