La Cour de cassation n'arrive décidément pas à transmettre une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel
! Dans un arrêt du 16 avril 2010 consultable ici, elle saisit la Cour de justice de l'Union
européenne de la conformité de la loi organique du 10 décembre 2009 au droit de l'Union européenne :
"L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'UE signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 s'oppose-t-il à une législation telle que celle résultant des articles 23-2, alinéa 2 et 23-5, alinéa 2, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 créés par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, en ce qu'ils imposent aux juridictions de se prononcer par priorité sur la transmission, au Conseil constitutionnel, de la question de constitutionnalité qui leur est posée, dans la mesure où cette question se prévaut de la non-conformité à la Constitution d'un texte de droit interne, en raison de sa contrariété aux dispositions du droit de l'Union?"
En l'espèce, la QPC posée était la suivante: "l'article 78-2, al. 4 du Code de procédure pénale porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de la République française?".
Cette disposition avait bien été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 5 août 1993, mais la Cour retient un changement de circonstances : la signature par la France du traité de Lisbonne.
La Cour estime que "les juridictions du fond se voient privées, par l'effet de la loi organique du 10 décembre 2009, de la possibilité de poser une question préjudicielle à la CJUE avant de transmettre la question de constitutionnalité; que si le Conseil constitutionnel juge la disposition attaquée conforme au droit de l’Union européenne, elles ne pourront plus, postérieurement à cette décision, saisir la CJUE d'une question préjudicielle [...]. De même, [...] la Cour de cassation ne pourrait pas non plus, en pareille hypothèse, procéder à une telle saisine malgré les dispositions impératives de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ni se prononcer sur la conformité du texte au droit de l’Union. »
Cet arrêt donnera sans aucun doute lieu à de nombreux commentaires tant sa lecture est source d'interrogations, pour ne pas dire de stupéfaction !
Comment ne pas rejoindre Guy Carcassonne et Nicolas Molfessis dans leur première analyse de la décision ? "La Cour de cassation à l'assaut de la question prioritaire de constitutionnalité", Le Monde,
vendredi 23 avril 2010, p. 15.