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Faire payer les retraités ?

Publié le 21 avril 2010 par Lecriducontribuable

Cet article est extrait du Bulletin d’André Noël :

Alors que le gouvernement se concerte avec les syndicats dans le cadre de la réforme des retraites, le ministre des affaires sociales, Eric Woerth, ne manque pas de rappeler, lors de chacune de ses interventions publiques, que les « retraités ne sont pas concernés ». Il est vrai que les retraités, cœur de l’électorat de la majorité, sont, comme tant d’autres, déçus par Nicolas Sarkozy. On attend encore la revalorisation des retraites, grignotées par les prélèvements divers et l’inflation qui revient doucement mais sûrement. Qui se souvient encore que Sarkozy avait promis que les économies réalisées grâce à la réforme des régimes spéciaux seraient affectées aux retraités les plus modestes ? Pas concernés les retraités ? On l’espère vivement car, autrement, leur pension serait l’un des rares avantages acquis qui serait remis en cause.

Et pourtant le COR (Conseil d’orientation des retraites) ne se prive pas d’évoquer, parmi les paramètres possibles pour restaurer les comptes, une diminution des pensions. Donnons acte au gouvernement de sa déclaration assurant qu’il ne saurait en être question.

Mais ce n’est pas à l’occasion de la réforme des retraites que l’idée de faire payer davantage les retraités est dans l’air. C’est par le biais de l’extinction des « niches fiscales », grande préoccupation du gouvernement, envisagée pour réduire le déficit budgétaire et celui de la Sécurité sociale. Les retraités, dont beaucoup tirent le diable par la queue, seront étonnés d’apprendre qu’ils constituent une « niche fiscale » à l’instar de ceux qui investissent dans les

œuvres d’art (exonérées d’ISF !), les chantiers navals outre-mer ou les logements bénéficiant de la loi Scellier dont on pensait qu’ils avaient priorité… Mais, nous l’avons déjà vu, une des premières « niches fiscales » visée a été, dans la prochaine loi de finances, celles des « avantages » dont bénéficient les « parents seuls », bien modestes avantages cependant.

L’idée vient de l’Inspection des finances dans un rapport sur les niches « liées à l’inactivité », c’est-à-dire les retraités, lesquels pourtant ne sont ni inactifs, ni improductifs. Sans eux, nombre d’associations diverses cesseraient d’exister; quand ils le peuvent, ils s’investissent dans des activités caritatives, humanitaires, l’aide aux devoirs ou, plus simplement et plus naturellement, dans la garde de leurs petits-enfants, ce qui épargne aux parents de coûteuses baby-sitters ou le recours aux nounous. Passons sur ce mépris qui considère tous les retraités comme des inactifs, si ce n’est des fainéants… S’appuyant sur ce rapport gouvernemental, le Parti socialiste propose pour 2012 une hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) pour les retraités imposables. La droite, loin de protester, trouve que ce n’est pas là une mauvaise idée : « Je ne serais pas choqué par un alignement, sur plusieurs années, de la CSG

des retraités sur celle des salariés, en épargnant les petites retraites », a indiqué Pierre Méhaignerie, président UMP de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale. On connaît le processus : dans un premier temps, on ne frapperait « que » les retraités imposables, les « riches », pour finir, au fil des besoins du budget, par s’en prendre à tous.

Quel est donc ce privilège indu dont il faudrait priver les retraités ? Les salariés paient 7,5% de CSG sur leur salaire, les retraités imposables 6,6% et les non imposables 3,8%. C’est peu de dire qu’un alignement ne renflouerait pas les caisses de la Sécurité sociale mais pèserait pourtant lourdement sur des retraités même imposables ; ne suffit-il pas d’être un peu au-dessus du SMIC pour être imposable ?

Pourquoi d’ailleurs ce « privilège » détenu par les retraités ? Parce que la plus grosse dépense de la branche maladie de la Sécu est constituée par les indemnités journalières consécutives à un arrêt de travail, ce qui par principe ne saurait concerner les retraités du fait de leur « inactivité », comme dit l’Inspection des finances. Même constat pour la branche « accidents du travail » qui leur est étrangère. Ajoutons que pour eux le « risque » de grossesse est nul, comme le congé qui en est le corollaire. Cela justifie amplement la différence de 0,4% du taux de cotisation entre les salariés et les retraités imposables.

Gilles Carrez, rapporteur UMP de la commission des Finances, veut, lui aussi, s’en prendre à la majoration de pension dont bénéficient ceux qui ont élevé au moins trois enfants ! Là encore, il ne s’agit pas d’un cadeau ! Il est avéré que le niveau de vie d’une famille diminue avec chaque enfant ; compenser en partie ce désavantage au moment de la retraite est donc juste, d’autant que ce sont les enfants des familles nombreuses qui contribueront le plus à régler les retraites de demain. Pourquoi supprimer cette disposition ? Parce qu’elle profite surtout, assure Gilles Carrez « aux bénéficiaires de pensions importantes », ce qui semble affirmation gratuite. Et quand bien même ? Ceux qui ont élevé trois enfants ou plus n’ont-ils pas droit à quelque reconnaissance de la nation pendant leurs vieux jours ?

Certes, le rapporteur, tout en développant les arguments qui vont dans le sens d’une augmentation de la CSG et d’une disparition de la majoration des pensions, ajoute « qu’il ne faut pas s’en prendre à ces deux dispositifs ».

L’élu du Val-de-Marne et maire du Perreux sent bien le risque électoral que comporterait l’adoption de mesures aussi impopulaires dans son électorat. Mais il ne s’agit que d’une prudence tactique et pré-électorale. Son collègue Philippe Marini, rapporteur UMP de la commission des finances du Sénat, a vendu la mèche en indiquant : « Il faut traiter les niches dans leur ensemble. » Ce qui signifie qu’on ne traitera pas à part et spécifiquement des « niches » des retraités, soulevant un tollé, mais qu’on noiera leurs prétendus « privilèges » dans un grand soir des « niches fiscales » ; on dira alors aux retraités que, comme tout le monde, ils doivent contribuer à la « solidarité »… en cessant d’en être bénéficiaires !


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