Anthologie permanente : Dylan Thomas / trois traductions

Par Florence Trocmé

Poezibao a publié le mardi 23 février 2010 une première traduction d’un poème de Dylan Thomas par Patrick Reumaux. Cette traduction a suscité des contre-propositions de deux traducteurs, Auxeméry et Anne-Marie Soulier. En « suite de note », le texte original est redonné pour plus de facilité.  
CHAGRIN VOLEUR DE TEMPS 
 
Chagrin voleur de temps s’enfuit comme serpent, 
Tombe que lune aspire, et années de bourlingue, 
Le valet de douleur dérobe en s’en allant 
La foi tranchée en deux par la mer, qui d’un souffle savait agenouiller le temps, 
Les vieux oublient leurs cris, 
Forcent le temps à s’aligner sur les marées, sur les heures d’antan vent debout, 
Font revenir les naufragés 
Sur un sentier de lumière englouti par la mer, 
Les vieux en oublient le chagrin, 
Et la toux qui cisaille, et l’albatros pendu 
Pour rappeler à eux la fringante jeunesse, 
Et les yeux pleins de larmes, trébuchent vers le lit où repose 
Celle par qui la marée s’engonflait de fables, 
Gisante pour toujours, amante du voleur. 
Tu vois, Coco, l’escroc qui sous les traits du temps s’avance, 
Des éclairs de mort plein la manche, 
Des bulles ballottant plein son sac de misère, 
Mes pères l’ont laissé descendre en douce au tombeau de l’étalon, 
Dézinguer le manant par la fente d’un judas, 
Libérer le chagrin au double cercueil. 
Que nul sifflet d’argent ne le pourchasse au long des semaines  
Crête après crête de jour jusqu’au jour de la mort, 
Ces bulles dérobées mordent comme serpents, 
Comme crocs toujours vifs, 
Que nul troisième œil n’aille explorer le sexe de l’arc-en-ciel 
Qui reliait les deux moitiés de l’homme, 
Tout devra demeurer, et dans le golfe ouvert sur la tombe, 
Bientôt se confondra aux voleurs de mes pères. 
Traduction inédite d’Anne-Marie Soulier 
 
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CHAGRIN VOLEUR DU TEMPS 
 
Chagrin voleur du temps se carapate – 
Lunatique, la tombe, après ces années à caboter, 
Et le valet de douleur, lui, est en maraude, 
Et rompue, la foi qu’on a eue en la mer, qui étanchait le temps. 
Les anciens en oublient leurs épreuves, 
Ils font plier le temps sur l’heure des marées, 
Et les heures du temps sous vent debout comme jadis, 
Ils font revenir les naufragés, 
Courent mer et lumière sur une route engloutie, 
Les anciens en oublient la douleur du chagrin, 
La toux qui racle la gorge, l’albatros qu’on a pris et pendu, 
Ils revivent le bon temps de leur jeunesse 
Et, l’œil amer, s’en vont buter au lit où elle repose, 
Celle qui fit virer la haute mer à l’antan des souvenirs 
Et repose aimante pour l’éternité aux côtés du voleur. 
Benêt de mes aïeux, largue-moi donc cette gueule de temps d’escroc 
Qui nous tire de sa manche l’éclair de la camarde, 
Et avec sa rapine de bulles dans son baluchon miteux,  
S’en va se faufiler en douce dans la tombe de l’étalon, 
Déglingue le manant par la fente du judas, 
Et laisse dériver le double cercueil des nostalgies – 
Que sifflets d’argent ne le traquent pas tout au long de la crête 
Des jours et des jours des semaines jusqu’au jour de la mort. 
Bulles volées ont en elles des morsures de serpents 
Et des crochets bien affilés. 
Que le troisième œil n’aille pas sonder le sexe de l’arc-en-ciel 
Qui faisait pont entre les deux moitiés de l’homme. 
Tout restera tel quel, et au-dessus du golfe donnant sur la tombe 
Tout aura la forme des détrousseurs de mes aïeux. 
Traduction inédite d’Auxeméry 
 
Version originale du poème en cliquant sur “lire la suite de” 
 
Dylan Thomas dans Poezibao
bio-bibliographie, Ce monde est mon partage et celui du démon (parution), ext. 1
 
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Une de Poezibao

GRIEF THIEF OF TIME
  
Grief thief of time crawls off,
The moon-drawn grave, with the seafaring years,
The knave of pain steals off
The sea-halved faith that blew time to his knees,
The old forget the cries,
Lean time on tide and times the wind stood rough,
Call back the castaways
Riding the sea light on a sunken path,
The old forget the grief,
Hack of the cough, the hanging albatross,
Cast back the bone of youth
And salt-eyed stumble bedward where she lies
Who tossed the high tide in a time of stories
And timelessly lies loving with the thief.
  
Now Jack my fathers let the time-faced crook,
Death flashing from his sleeve,
With swag of bubbles in a seedy sack
Sneak down the stallion grave,
Bull's-eye the outlaw through a eunuch crack
And free the twin-boxed grief,
No silver whistles chase him down the weeks'
Dayed peaks to day to death,
These stolen bubbles have the bites of snakes
And the undead eye-teeth,
No third eye probe into a rainbow's sex
That bridged the human halves,
All shall remain and on the graveward gulf
Shape with my fathers' thieves.
(from twenty five poems)