Pendant six jours, l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll a paralysé l'ensemble des transports aériens européens, fait la une de tous les médias et ennuyé bon nombre de nos concitoyens coincés, bloqués, abandonnés.
Il est étrangement prophétique que dans le même temps la levée du tabou de la vie exotique de quelques footballeurs habitués du café Zaman nous les présente sous un jour peu glorieux de sexe et d'argent, d'indemnités de transfert exorbitante et de prostitution banalisée.
"Tu es poussière et à la poussière tu retourneras" (Genèse, 3, 19)
Nous ne devrions jamais oublier cet avertissement de la Bible qui nous rappelle notre simple condition humaine.
Il suffit d'un nuage pour déstabiliser une économie toute entière.
Il suffit d'un nuage pour perturber notre civilisation contemporaine.
Il suffit d'un nuage pour plomber notre vie privée.
Dans Le_Bonheur_est_dans_l_Etable , BeniNews évoquait déjà notre dangereux rapport au temps. Nous vivons sous la pression continue et invisible du temps.
Un cadre coincé à l'autre bout du monde fait perdre du temps et donc de l'argent à son entreprise qui se demande quoi en faire. Il est ahurissant d'entendre des chefs d'entreprise évoquer des congés sans solde, parce que certains de leurs employés sont bloqués quelques jours par un nuage.
Nous pourrions oser le parallèle avec ces footballeurs devenus riches et glorieux très jeunes qui semblent rechercher un plaisir rapide (sexe), une richesse accélérée (transferts).
Nous n'avons plus le temps.
Nous sommes impatients en tout. Impatients au travail, impatients en amour, impatients en sport. Et cela nous épuise sans que nous nous en rendions réellement compte.
Ne nous trompons pas de chemin. Notre objectif, c’est le bonheur plein, libre et entier. Certainement pas la satisfaction matérielle et exténuante d’une feuille de route suivie ligne à ligne.
En nous épuisant jusqu’à ne plus savoir où donner de la tête, en voulant souvent accélérer le cours des événements, en attendant parfois l’impossible, nous risquons de sombrer dans l’orgueil.
Et de nous perdre dans un nuage.
A tous ceux qui sont perdus loin, très loin à attendre un avion qui ne décolle pas, l'Afrique envoie un de ses proverbes dont elle a le secret :"au bout de la patience, il y a le ciel". Le ciel aérien mais également le ciel de l'âme. Le ciel de tout ce que nous pouvons faire lorsque nous en avons le temps. Perdu pour perdu, pourquoi ne pas profiter de ce temps pour se redécouvrir, pour contempler la Création, pour se souvenir de ceux qu'on aime? En oubliant le chiffre d'affaires. En se laissant aller. En faisant confiance.
A tous ceux qui sont pris dans le tourbillon de la vie, l'Afrique envoie un second proverbe : "la nuit dure longtemps mais le soleil finit par arriver." Réussir notre vie est un défi quotidien. Nous sommes tous tentés un moment ou l'autre par un nuage déguisé en bonheur. Et quand nous nous enfonçons dans ce nuage, sa douceur nous séduit avant que les gouttes de pluie ne se fassent sentir. Le plaisir rapide est un nuage. "C'est le temps que tu as passé pour ta rose qui fait ta rose si importante". Le plaisir rapide est un nuage, car il éloigne de l'amour. Et l'amour est un bonheur intense.
Contemplation, simplicité, amour, le temps est un des chemins que Dieu nous a offerts pour atteindre le bonheur.
Il y a des cendres et des nuages, mais aussi un chemin à se frayer parmi tout cela.
En ce jour où nous fêtons Saint Anselme, inspirons-nous de ce théologien admiré de Benoit XVI : "Dieu, je t'en prie, je veux te connaître, je veux t'aimer et pouvoir
profiter de toi. Et si, en cette vie, je ne suis pas pleinement capable de
cela, que je puisse au moins progresser chaque jour jusqu'à parvenir à la
plénitude » (Proslogion, chap. 14)