Le classement des lycées : 0 pointé pour le traitement journalistique !

Décidément, les palmarès ont la vie dure. Il faut dire que c’est tellement fascinant de réduire la complexité du monde à un chiffre, qu’on ne cesse d’en voir fleurir de partout. Cette semaine, c’était le tour du classement des lycées, avec un traitement journalistique qui laissait entendre que les lycées privés feraient beaucoup mieux que les lycées publics. Pas de chance, une statisticienne, Claudine Schwartz, vient d’écrire un article très intéressant sur Mediapart dans lequel elle démontre que ce traitement est erroné. En gros, l’auteur montre que le classement ne tient pas compte de la probabilité qu’a un élève de seconde d’obtenir le bac dans ce lycée (et donc de la sélection interne opérée dans l’établissement), et conteste la notion de « valeur ajoutée » par un lycée (présentée comme l’écart entre ses résultats et ceux qu’on attendrait qu’il ait en fonction de sa structure sociologique).

Cela pose deux problèmes pour moi. D’abord, quand on manipule des chiffres, il faut être capable de le faire correctement, sinon ce sont les chiffres qui manipulent les lecteurs. Ensuite, ces classements ne servent pas uniquement à faire vendre du papier. Le gouvernement est obsédé par la mise en place d’une rémunération au mérite des fonctionnaires, dont j’ai déjà évoqué plusieurs fois en quoi elle peut se révéler contre-productive. Une telle rémunération au mérite, qu’elle soit individuelle ou collective, se fondera sur des indicateurs comme ceux que l’on vient de voir. C’est-à-dire que c’est le salaire des enseignants qui dépendra de chiffres qui ne peuvent avoir un tel rôle. Car autant une évaluation humaine peut avoir du sens si elle est bien faite, si elle sert à aider plutôt qu’à punir (auquel cas les agents feront tout pour masquer les vrais problèmes, et on ne pourra pas les aider à les résoudre), autant une évaluation par des chiffres nous conduit dans le règne de l’absurde. Nous y sommes bien partis, malheureusement.