Nous avons assisté durant les années 2008 et 2009 au sauvetage des banques. Un peu perplexe, il fallait bien répondre aux menaces que leur faillite aurait fait porter sur l’ensemble de l’économie. So much pour le « risque systémique »…
Nous souhaitons assister en 2010 à l’émergence d’initiatives mondiales coordonnées pour changer en profondeur de capitalisme.
« Changer de capitalisme », car nul besoin de renverser le système qui a su générer mieux que tout autre des conditions de vie humaines à un nombre toujours croissant d’individus. Sa version actuelle, le capitalisme financier mondialisé, est pourtant inacceptable. Il incite une poignée d’individus à prendre des risques disproportionnés sur le dos du plus grand nombre, et débouche de ce fait sur des crises régulières, profondément déstabilisatrices pour le tissu social.
Cependant, je crois qu’il est possible d’innover en son sein sans faire de révolutions destructrices. En effet, la grande force du capitalisme vient de sa capacité d’adaptation. Sa définition lui laisse un champ d’applications très large : c’est, simplement dit, un système économique qui reconnaît à tous les individus le droit de s’enrichir (les économistes parlent de « propriété privée des moyens de production »). Exit « les marchés autorégulés » ou « la recherche perpétuelle de profit » de la définition que l’on doit retenir !
Arrêtons-nous sur quelques idées concrètes pour aller vers une « transformation systémique ». Premier aspect : remédier aux maux de la finance moderne. Voici 3 propositions, au moment où Barack Obama se lance dans la bataille.
<>
1. Redéfinir les rôles des acteurs financiers pour localiser les risques.
La finance moderne s’est progressivement imposée depuis le milieu des années 80 dans tous les secteurs de l’économie. Les entreprises commencent à lever des fonds directement sur les marchés financiers, sans passer par l’intermédiation traditionnelle des banques. Les banques suivent le mouvement et changent de métier : elles investissent désormais une grande partie de leurs dépôts en bourse.
Le crédit se fait plus abondant, moins cher, et propose des rentabilités qui vont allécher tout le monde. Qu’importe si le métier initialen bourse, etc. Si bien que tout le monde se retrouve nu quand la marée se retire, pour paraphraser l’expression attribuée à Warren Buffet. n’avait pas grand-chose à voir avec la finance : l’assurance joue tout en bourse, les fonds de gestion de retraite jouent en bourse, les banques d’épargne jouent en bourse, les industries jouent en bourse, les collectivités locales jouent
Il semble donc aujourd’hui nécessaire de clarifier les rôles des différents acteurs. Il faut regrouper les activités de spéculation à haut risque dans des structures juridiques autonomes, pour qu’elles ne fassent pas porter le risque sur des compagnies entières. L’assureur américain AIG aurait entraîné tous ses clients dans sa chute à cause des seules pertes de son département finance, si l’Etat n’était pas intervenu. De même, les grandes banques ont mis en péril les dépôts des particuliers par leurs activités boursières dans un dangereux mélange des genres.
Presque trois ans après le début de la crise financière, on ne sait toujours pas bien identifier où se trouvent les actifs à risque et qui les détient. C’est la première étape sans laquelle toute tentative de régulation sera vouée à l’échec.
2. Constituer un matelas de sécurité « anti-crise »
Une nouvelle donne est apparue depuis l’intervention des États dans le sauvetage du secteur bancaire : les grandes banques jouissent d’une assurance implicite de la part des gouvernements, car ceux-ci ne peuvent pas se permettre de les laisser faire faillite sans risquer une récession majeure. Pour l’instant, cette assurance contractée sur le dos des contribuables est gratuite pour les banques, mais devra demain avoir un coût. Parfaitement légitime, ce prélèvement pourrait servir à constituer des réserves à utiliser pour financer les interventions anti-crise de l’État ; atténuer les conséquences sociales de la crise par exemple.
Plus fondamentalement, il faut éviter que les banques se retrouvent dans des situations où elles prennent des risques sur de l’argent qu’elles n’ont pas ou qu’elles ne sont pas en mesure de garantir. C’est en ce sens que les normes prudentielles dites « Bâle II » ont été édictées pour imposer un niveau de fonds propres (la somme que les banques doivent toujours avoir à leur actif) plus élevé. Ces normes ne sont aujourd’hui que des « recommandations » qu’il faudrait pouvoir imposer à tous les établissements financiers.
3. Création d’une Organisation Mondiale de la Finance
La plupart des solutions envisagées renvoient à un effort de coordination internationale, sans quoi certains pays sont incités à jouer du « moins de régulation » pour attirer les capitaux. Comme le rappelle l’hebdomadaire anglais The Economist, « le système bancaire est seulement aussi fort que son maillon le plus faible ». Les marchés ont des répercussions mondiales, la politique doit donc s’exercer à ce niveau pour être efficace.
Ce principe est entériné pour le commerce de produits non-financiers depuis 1995 et la création de l’OMC. En revanche, une panoplie d’institutions – parfois privées ! – pallie à la déficience de gouvernance internationale en matière de finance : Fonds monétaire international, Bureau des standards comptables internationaux, Banque mondiale, comité de Bâle, etc. Leurs domaines de compétence sont flous et manque de vision d’ensemble, en plus de ne pas s’appliquer aux mêmes membres.
Il semble donc indispensable de créer une Organisation Mondiale de la Finance, afin de réunir les différents pays autour des nombreux problèmes qui ne peuvent être gérés qu’à cet échelon. Pour n’en citer que quelques uns: les paradis fiscaux, la transparence des instituts de notation, les fonds de gestion anti-crise, les ratios d’évaluation du risque bancaire, la mise en place de taxes sur les mouvements de capitaux (type Tobin), la coordination des plans de sauvetage financier, …
***
Le dessin “Etes-vous sûr de vouloir réguler les banques?” provient du blog de Martin Vindberg (http://vidberg.blog.lemonde.fr/), avec l’autorisation de l’auteur.