ou comment Angela Merkel l’européiste s’est transformée en mère-la-rigueur pour de mauvaises raisons.
La crise économique mondiale n’a pas fini de nous jouer des tours et de brouiller les repères. Dernier fait d’arme : la déstabilisation profonde de la zone euro autour du plan d’aide à la Grèce.
Alors qu’il y a encore quelques mois c’était plutôt chic d’avoir une monnaie commune, qui protégeait les pays de la zone euro de l’instabilité monétaire ambiante, voilà que tout (re)devient choc. Les européens, fidèle à leur réputation, sont incapables de se mettre d’accord sur la gestion des déficits grecs ; et accouchent d’un compromis au rabais mêlant le FMI aux histoires de famille. On pourrait en rester là, mais on sait d’ores et déjà que le feuilleton* aura des suites, puisque l’agence de notation Fitch a récemment dégradé la note de la dette du Portugal – tout comme elle l’avait fait pour la Grèce.
L’attitude européenne face à ses membres mis en difficulté par la crise est donc primordiale, et nécessite d’être à la hauteur du défi. Or ce qui fait défaut à la cohésion de la zone euro aujourd’hui, c’est pour l’essentiel la position du gouvernement allemand. La voici en version courte : 1. les contribuables allemands n’ont pas à payer pour le laxisme méditerranéen, 2. tout pays qui s’écarte un peu trop des critères de bonne gouvernance économique – tels que définis par le traité de Maastricht – doit faire face à une possibilité d’exclusion de la zone euro.
Il serait de mauvaise foi de ne pas condamner une énième fois la Grèce pour avoir laissé filer ses déficits sans en prendre la mesure. Pour être cohérent, il faudrait d’ailleurs également incriminer le Portugal, l’Italie et l’Espagne (voire le Royaume-Uni) pour les mêmes raisons. Et davantage encore la banque américaine Goldman Sachs, pour avoir permis cet endettement excessif, en parfaite connaissance de cause.
Il est cependant injuste de dénigrer à outrance le laxisme de ces pays. La crise économique a notoirement fragilisée tous les États sans exceptions, qui ont dû s’endetter massivement à la rescousse d’un secteur bancaire en chute libre. C’est dans cet environnement qu’il faut replacer le problème de la dette dans la zone euro pour la comprendre.
Que proposent les allemands ?
Naturellement, on est tenté de regarder du côté des accusateurs à la recherche de l’exemple à suivre européen.Quel est ce modèle économique allemand fait de rigueur et de dur labeur ? Il consiste à comprimer les salaires pour réduire les coûts de production, ce qui permet d’exporter moins cher que les autres. Le moteur de la croissance allemande est basé principalement sur les exportations. C’est déjà en tant que tel critiquable : pour exporter, il faut bien que quelqu’un achète. On ne peut donc pas généraliser cette stratégie dite de « cavalier seul »**.
Quand on regarde encore un peu plus en détail, on se rend compte que le principal client de l’Allemagne est l’Union européenne. Et voilà l’imposture : c’est bien grâce au relances budgétaires de soutien à la consommation des autres pays européens que l’Allemagne peut s’en sortir.
Les allemands bénéficient donc largement de la zone euro pour mener à bien leur stratégie commerciale : celle-ci lui fournit ses principaux clients dans un marché unifié ainsi qu’une monnaie compétitive pour vendre ses produits à l’étranger. Que les allemands soient mis à contribution pour assurer sa cohésion en période de crise ne semble rien de moins que du bon sens.
A situation exceptionnelle réponse exceptionnelle. Cela aussi c’est prévu par le traité de Maastricht.
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