Je vais bien et je pleure

Publié le 21 avril 2010 par Ladyblogue

- Allez-y, déshabillez-vous.
- Oui.
- Des antécédents dans la famille ?
- Oui, mais c'est loin, une arrière-grand-mère.
Plus c'est loin, moins ça compte n'est-ce pas ?
Silences.
Du bruit, des positions, des gestes, des examens.
Long.

- Vous pouvez vous rhabiller, je reviens.
Je m'exécute et je tourne en rond. La couleur n'est que dans les chaises. Le reste... Les machines font du bruit, la lumière carrée est trop blanche, le sol... le sol... clinique. J'attrape une revue. Impossible d'aligner trois mots. Elle revient.
- On doit refaire un examen. Redéshabillez-vous s'il vous plait.
Le coeur bat. Elle me parle, m'explique. Je n'entends rien. Je suis debout face à elle, la peau nue, le corps ballant. Je n'entends rien.
- Excusez-moi, je n'ai pas compris.
Ma voix basse. Densité. Je suis une fille "dense".
Elle repart.
Je me rhabille.
La machine, toujours bruyante. La lumière, encore plus blanche. Je tourne. 5m2. 6 à tout casser.
Tout casser.
Je fixe la serrure de la porte. 2 clés immobiles. Pas un souffle. Pas une fenêtre. J'ai besoin d'air. Le vacarme silencieux m'étouffe.
La revoilà.
Besoin encore d'un nouvel examen. Plus poussé. Encore un autre. Je la sens bizarre. Pourquoi ne me regarde-t-elle pas dans les yeux. Gêne ou concentration ?
Elle me fait changer de pièce. Aussi close.
Des chariots qui dégueulent de métal et des fioles. Une autre machine plus petite mais toute aussi bavarde.
- Déshabillez-vous. Mon confrère va prendre le relais.
Je m'exécute pour la troisième fois. Je m'assoie sur la bande de papier bleue. J'essaie de me canaliser. Je ne veux plus bouger. Tête baissée. Mains bloquées. Les images et les mots sont plus difficiles à dompter.
Comment je serais avec des cheveux courts ?
Sur l'écran de la bête mon nom, mon prénom, 36Y, un numéro, A-12706.
2 portes. Les paris sont ouverts. Si elle entre par celle de droite, ca ira ; par celle de gauche, ca pue. On cherche une signification dans tout. Ca aide à attendre. Ca aide à penser que le destin peut changer. Lignes des pavés, nombre de marches, nombre de pas jusqu'à là-bas, nombre de feux rouges. J'ai toujours fait ça. Appelez-moi Raywoman.
La porte de droite s'ouvre. Une femme. Je m'allonge. Elle "regarde". Elle sent aussi. Comme l'autre. Dur.

- Respirez. Soulevez vos cheveux.
Elle attrape la bête, la pose sur moi. On est toutes les deux silencieuses. Trop. Elle me regarde tantôt moi, tantôt son écran. Des dizaines et des dizaines de fois. Le premier. Puis le deuxième.

Elle me sourit enfin.
- Tout va bien.
Je la regarde. Rien ne sort. Je tente de garder le trop plein d'eau. Elle me caresse l'épaule et me sourit encore.
Je vais bien et je pleure.