« Les médiasguerres du continent est l'œuvre de certaines multinationales, le plus souvent soutenues par leurs pays. Il est plus facile d'accéder aux ressources d'un pays quand son économie est déstabilisée, c'est l'unique méthode que les occidentaux ont utilisé jusqu'à présent en Afrique, » écrit Séraphin Prao, économiste ivoirien. occidentaux ont tendance à dépeindre l'Afrique et ses guerres en fonction des tribus et des conflits entre les groupes ethniques différents. Et pourtant, la quasi-totalité des
S'il y a bien un dirigeant a su exprimer son sens aigu des rapports de force par des images percutantes, restées dans la mémoire collective, c'est Mao Tsé-toung. Nous empruntons ici, une de ses célèbres citations pour annoncer notre propos : « la politique est une guerre sans effusion de sang, et la guerre une politique avec effusion de sang ». Les guerres enregistrées sur le continent africain sont devenues une politique des pays occidentaux pour profiter des richesses du continent. Cette façon de faire semble officielle tant elle est représentative de la position commune des occidentaux. Nous avons jusqu'ici dans nos productions, essayé de rendre compte de la complexité du « réel africain », pour parler ainsi. Cela n'a jamais été simple car il arrive qu'il faille dépouiller nos absolus les uns après les autres afin de fournir une réflexion féconde. C'est avec cette même rigueur dans l'établissement des faits et l'objectivité de l'analyse, que nous traitons cet autre thème, non moins important, des guerres mercantilistes en Afrique. Un tel sujet, pour le décrypter, mérite qu'on définisse au préalable quelques concepts fondamentaux, comme le mercantilisme et les guerres mercantilistes. En premier lieu, tel sera notre préoccupation. Une fois le lecteur éclairé sur ces mots clés, il s'agira dans un second lieu, de montrer avec quelques illustrations, comment les pays occidentaux fabriquent des guerres pour piller le continent africain, déjà fragilisé depuis le partage de Berlin, en 1885. Une fois les faits établis, l'analyse faite, il restera dans un troisième lieu, de tirer les leçons de ces sales guerres imposées au continent.
Une définition des guerres mercantilistes
Le mercantilisme est une conception de l'économie qui prévaut entre le 16e siècle et le milieu du 18e siècle en Europe. La pensée mercantiliste couvre trois siècles, au cours desquelles la référence philosophique sera Machiavel, relayé ensuite par Morus et Campanella. A cette époque, les questions économiques se distinguent très mal des questions financières. Les penseurs mercantilistes prônent le développement économique par l'enrichissement des nations au moyen du commerce extérieur qui permet de dégager un excédent de la balance commerciale grâce à l'investissement dans des activités économiques à rendement croissant, comme l'avait identifié l'économiste italien Antonio Serra dès 1613.
Globalement, l'objet de la pensée mercantiliste reste la conquête et le maintien du pouvoir. Il revient donc à l'Etat de jouer un rôle primordial dans le développement de la richesse nationale, en adoptant des politiques multiples car la doctrine est loin d'être homogène. Elle s'identifie d'abord au bullionisme en Espagne et en Italie, pour se confondre ensuite avec l'industrialisation étatique en France, pour se terminer enfin, financière et monétaire en Grande-Bretagne. Le mercantilisme français ou le colbertisme, du nom de Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, lui, est plus tourné vers l'industrialisation. Le colbertisme peut se résumer en une simple phrase : tout par et pour la métropole. Une des principales caractéristiques du colbertisme est le développement extrêmement contrôlé des colonies entièrement dépendantes de la métropole. Il s'ensuit qu'une « guerre mercantiliste » est une politique sanglante menée, le plus souvent par les occidentaux, pour enrichir leurs pays, leurs peuples. En clair, ce sont donc des guerres créées artificiellement pour piller les ressources minières, pétrolières des pays pauvres, en général et du continent africain en particulier.
L'Afrique, la terre des guerres d'intérêts
Les médias occidentaux ont tendance à dépeindre l'Afrique et ses guerres en fonction des tribus et des conflits entre les groupes ethniques différents. Et pourtant, la quasi-totalité des guerres du continent est l'œuvre de certaines multinationales, le plus souvent soutenues par leurs pays. Il est plus facile d'accéder aux ressources d'un pays quand son économie est déstabilisée, c'est l'unique méthode que les occidentaux ont utilisé jusqu'à présent en Afrique. Si le développement de l'Afrique tarde à décoller, c'est justement à cause de ce cercle vicieux. Montchrétien affirmait : « Nul ne gagne si un autre perd ».
Selon le professeur Ibrahima Boiro, directeur du Centre d'études et de recherche en environnement (CERE) de l'université de Conakry, la Guinée possède 500 tonnes de réserves en or et 30 millions de carats de diamant, alors que "les populations locales continuent de croupir dans la misère". La Guinée possède également de la bauxite, dont elle est le deuxième exportateur mondial derrière l'Australie, ce pays reste pourtant l'un des plus pauvres du continent.
Si Sékou Touré s'était brouillé avec De Gaulle lors de l'indépendance dans les années 1960, Giscard d'Estaing renoua les relations diplomatiques et surtout économiques avec le dictateur guinéen jusqu'à sa mort en 1984. Les attitudes machiavéliques de Sékou Touré, ne gênaient nullement la France ni les profits des trusts français, comme ceux de Péchiney qui à l'époque exploitait la bauxite. La même France a soutenu Lansana Conté, qui exerça un pouvoir sans partage de 1984 à 2008.
Les différents gouvernements français n'ont eu de cesse de protéger les intérêts des multinationales présentes dans le pays, dans le secteur pétrolier et gazier (Total), le secteur bancaire (BNP Paribas, Société Générale), les transports, la construction (Vinci), la gestion aéroportuaire (Adp), les télécommunications (Orange), sans oublier le groupe Bolloré.
Que dire du Niger ? Le 5 janvier dernier 2009, Areva obtenait du Niger le droit d'exploiter la mine géante d'Imouraren, non loin d'Arlit après un accord négocié durant des mois. Pour la signature de ces accords, il suffit pour les occidentaux, lorsqu'il s'agit des pays africains, de créer une rébellion et jouer le médiateur. De la sorte, on affaiblit le gouvernement pour l'obliger à signer un contrat au rabais. La guérilla touareg, réclamant une répartition plus juste des revenus du secteur minier, qui a repris les armes en 2007, avant la signature de ce contrat, reste suspecte. On retiendra que le Niger pourra vendre sur le marché international quelques 900 tonnes d'uranate. Par ailleurs, les prix vont être désormais libellés en dollars US et non plus en CFA. L'augmentation du prix qui fait monter à 65000 FCFA le kilogramme d'uranium, engendrera des retombées financières de 87 milliards en 2008 et 100 milliards en 2009. Toujours est-il que le Niger est l'un des plus pauvres de la planète, en dépit de son rang de deuxième producteur d'uranium au monde derrière le Canada.
On se souvient du cas angolais où la guerre la plus longue a pris officiellement fin le 4 avril 2002 quand les deux belligérants dans la guerre civile en Angola ont signé un traité de paix pour mettre fin à un conflit de 27 ans qui a commencé lors de l'accession à l'indépendance du pays en 1975.
La bataille pour Huambo, entre les forces du parti au pouvoir, le MPLA (Mouvement Populaire pour la Libération de l'Angola - appuyé par l'Union soviétique et Cuba) et les rebelles de l'UNITA (Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola - soutenu par les États-Unis et l'Afrique du Sud) a été une des plus féroces de la longue guerre. Cette guerre qui a dévasté le pays et qui a tué un demi-million de personnes, peut être présentée comme le résultat malheureux de la rivalité causée par la guerre froide entre deux superpuissances ou comme l'expression de problèmes inhérents à l'Afrique. Et tout ceci, à cause du pétrole angolais. L'or noir représente 60 % du produit intérieur brut, 90 % des recettes d'exportations et 83 % de celles de l'Etat.
La guérilla qui déchire l'est du Congo se déroule au Kivu. Pour mettre la main sur les minerais précieux de cette province, il est aujourd'hui avéré que des entreprises occidentales ont bel et bien participé au financement des groupes armés.
« On connaît très bien les sociétés qui profitent du pillage du Kivu, en particulier du coltan, l'un des minerais les plus recherchés....« Il y a un embargo moral sur le commerce du coltan au Congo dont on sait pertinemment qu'il est pillé et transite par le Rwanda, le pays entrepôt. Puis la production est envoyée au Kazakhstan, en Thaïlande et au Japon. Ensuite, ces pays renvoient le coltan vers des raffineurs occidentaux, comme l'américain Cabot Corporation et l'allemand HC Starck qui raffinent 80% de la production mondiale de coltan. Or, le PDG de Cabot corporation, Samuel Bodman, était le vice secrétaire au commerce de George W. Bush jusqu'en 2003 ! Autant dire que le soutien des Etats-Unis au Rwanda n'est pas totalement désintéressé », explique Alain Bischoff, consultant pour l'Afrique Centrale et auteur d'une étude géopolitique sur le Congo de 1997 à 2007.
La Somalie avait tout pour réussir : une situation géographique avantageuse, du pétrole, des minerais et, fait plutôt rare en Afrique, une seule religion et une seule langue pour tout le territoire. La Somalie aurait pu être une grande puissance de la région. Mais la réalité est toute différente : famine, guerres, pillages, pirates, attentats... Comment ce pays a-t-il sombré ? Pourquoi n'y a-t-il pas de gouvernement somalien depuis presque vingt ans ? Quels scandales se cachent derrière ces pirates qui détournent les navires ? Les puissances impérialistes ont appliqué en Somalie une théorie du chaos.
Les profiteurs de ces guerres mercantilistes
Il ne faut pas chercher pendant longtemps, pour trouver les bénéficiaires des guerres mercantilistes en Afrique. Le premier est l'ancienne puissance coloniale, celle à qui on a remis la tutelle du pays africain lors de son dépeçage à Berlin, en 1885. Les deux autres sont constitués de multinationales de la puissance coloniale et de l'élite corrompue des pays africains. Cette élite que Celso Furtado a appelé, « bourgeoisie compradore », c'est-à-dire, cette élite nationale qui gère les intérêts économiques de l'étranger et/ou qui tire son pouvoir de ses liens avec le capital étranger. Finalement, on voit très aisément que les pays africains sont gérés par une sorte de triumvirat. Les élites africaines, trouvent ainsi leur compte dans la reproduction aggravée de la dépendance/domination et dans le statut rentier des États africains. Car c'est pour le contrôle de cette rente versée même en temps de guerre et la conservation de certaines positions privilégiées impérialistes que sont organisées des élections frauduleuses et les nouveaux coups d'État militaires (Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Niger) et que sont menées des guerres dites identitaires (ethniques, religieuses...) entre fractions néocoloniales locales (Angola, Congo, Côte d'Ivoire, Niger, Soudan) . Ces élites, qui au-delà du statut de rentiers, s'associent aux firmes multinationales, en établissant parfois des fiefs de pillage et d'exportation des ressources minières par des seigneurs de guerre, gouvernementaux et rebelles. Les occidentaux ont compris que la guerre rapporte plus d'argent que la paix, c'est pour cela que toute la littérature de leur part sur la paix n'est que pure escroquerie intellectuelle, puisque l'argent est au centre de leur existence. Il est temps de jeter un véritable pavé dans la mare de ce terrifiant consensus.
L'indépendance de l'Afrique passe par la réappropriation de ses ressources
Nous venons de montrer par des exemples concrets que les intérêts occidentaux grippent le processus de démocratisation et de développement du continent africain. Les exemples sont nombreux en Afrique où l'instabilité est créée et entretenue par l'Occident, avec la complicité des dirigeants, pour maintenir le continent dans son giron. Il y a même une certaine jouissance, une dose d'appétence, des occidentaux, à voir le peuple noir dans la souffrance. Mais une fois qu'on a dit cela, on dira que le diagnostic est bon. Toutefois, l'œuvre sera incomplète si des pistes de solution ne sont pas données. Comment donc sortir de l'ornière dans laquelle se trouve le continent africain ? Épineuse et brulante question, car c'est bien là que peinent les africains. Jamais la liberté n'est venue de l'oppresseur, elle est insufflée tel un ouragan par l'opprimé. D'ailleurs, les occidentaux, eux-mêmes, savent que la misère est le terreau du terrorisme et que les multinationales qui dépècent le continent africain ne rendent pas service, à terme, à leurs pays. Me dira-ton que le capitalisme marche avec une moralité à rebours ! L'initiative doit donc venir des africains et non des occidentaux. L'Afrique change, les africains doivent l'être également. La mutabilité de la conscience noire en général et en particulier africaine en particulier, reste à peine discernable dans la conscience occidentale. Et pourtant, l'Afrique est un continent en mouvement. Point n'est besoin d'être un féru de politique internationale, pour le savoir.
Les africains doivent se battre sans état d'âme, pour faire profiter à leurs populations, les fabuleuses richesses pillées par les multinationales occidentales. Et dans cette lutte, aucun sujet ne sera plus galvaudé dans cette quête de la liberté. En vérité, l'homme naît avec toute l'ambivalence qui le caractérise et c'est la vie qu'il rencontre qui oriente, canalise, et détermine ses choix, non pas une fois pour toute, mais jour après jour. C'est ce que semble dire Mao Tsé-toung, en ces termes : L'existence sociale des hommes détermine leur pensée...... et la vérité doit s'inspirer de la pratique. C'est par la pratique que l'on conçoit la vérité. Il faut corriger la vérité d'après la pratique.
Mais dans ce combat, nous devons combattre non seulement les pilleurs occidentaux mais également nos propres frères (présidents, gouvernements, hauts fonctionnaires) qui s'enrichissent illicitement avec l'argent du contribuable. Ces derniers sont les premiers « démons » à terrasser avant de s'attaquer à ceux de l'extérieur.
Publication originale MLANpar Séraphin Prao, Mouvement de Libération de l'Afrique Noire, février 2010
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