Dans un train partant pour la Californie, pour Riven Rock plus précisément, un homme est prostré. Dans le wagon qui lui a été réservé, entouré d'infirmiers, de gardes du corps, il est ignoré des autres passagers qui ne peuvent deviner ce qu'il est effectivement, l'héritier du clan McCormick, le descendant millionaire de l'inventeur de la moissoneuse batteuse Cyrus Mc Cormick. Stanley part pour un asile doré dont il ne sortira plus jamais. N'arrivant plus à contrôler ses accès de violence, ses pulsions envers les femmes, entendant constamment des voix, le jeune-homme timide est devenu un danger pour autrui, pour le sexe opposé en particulier, mais aussi pour lui-même. Sa jeune femme, Katherine Dexter, une des premières docteur ès sciences et féministe convaincue, veillera constamment sur lui, de loin, par téléphone ou jumelles interposées. Voir son mari lui est depuis l'internement de ce dernier interdit. En fait, plus aucune femme ne croisera la vue de son époux pendant près de vingt ans. Des psychiatres de toutes sortes se tiendront à son chevet, en vain.
Le jeune couple qui souriait calmement sur la photo de leur mariage en 1904 à Genève n'est plus. Il n'était peut-être dèjà à ses prémices qu'un rêve éveillé...et n'a pas survécu au désastre de leur lune de miel.
T.C. Boyle raconte ici le destin véritable d'une figure emblématique de l'amérique du début du siècle dernier, Stanley McCormick. Il s'attache à ce personnage naufragé qui sombre définitivement dans la folie, après avoir goûté aux mondanités fitzgéraldienne de l'époque, hanté par une névrose sexuelle qui trouve essentiellement sa source dans sa peur viscérale des femmes, une certaine hérédité et l'omniprésence d'une mère castratrice, Nettie McCormick. Il s'attarde également en parallèle sur la personnalité des figures qui gravitent autour de lui, son épouse Katherine, ses différents psychanalystes aux méthodes hasardeuses, et son infirmier en chef Eddie O'Kane, noceur invétéré, alcoolique impénitent, dont la fidélité à son "patron" et le réel intérêt qu'il témoigne au malade dont il a la charge est le sel évident de ce roman.
Une lecture au ton croustillant et à la verve sympathique qui brosse dans le sens contraire du poil, et qui pointe du doigt les travers d'une "certaine amérique", une amérique qui tente de dissimuler ses névroses et ses failles à coups de dollars. Une saga dense, intéressante et prenante, que j'ai beaucoup aimé lire, malgré son thème sulfureux et le volume conséquent de ses pages.
Riven Rock a été lu dans le cadre d'un partenariat. Je remercie donc ici les éditions du Livre de Poche et l'incontournable BoB... !
Une critique de Catherine Argand pour Lire..."Riven Rock allie la solidité d'une facture classique à l'esprit caustique et toujours intact d'un écrivain insolent."
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La femme de l'Allemand, Marie Sizun