« Un pied au paradis » est un très beau polar, parfaitement encré dans l’Amérique profonde des années 50, baigné par la chaleur et la moiteur de l’état de Caroline du Sud.
Le récit est très bien écrit et la construction originale enrichit encore davantage la perception du lecteur qui se retrouve plongé dans les ambiances, les modes de vie et ressent parfaitement le poids des silences, des secret et de la violence larvée.
Il s’agit d’une narration à cinq voix : le shérif, la femme, le mari, le fils et l’adjoint du shérif. Chaque personnage raconte tour à tour sa version de la même histoire, celle de la disparition d’Holland Winchester, vétéran de la guerre de Corée devenu mauvais garçon de la communauté. Sa mère est persuadée qu’il a été tué par Jim Holcombe, le mari d’Amy, subitement enceinte après des années de lutte contre l’infertilité de son époux. Le shérif Will Alexander, ancien étudiant brillant ayant perdu sa bourse d’étude à la suite d’une blessure le privant de football universitaire, rejeté par sa femme depuis qu’elle a perdu leur bébé et par sa fratrie depuis qu’il a quitté la ferme familiale, met son mal être de côté pour tenter désespérément de prouver la culpabilité de Billy. Mais sans cadavre, il ne peut y avoir de meurtre.
Cette histoire se déroule sur fonds de disparition d’une vallée entière de fermes, condamnée par le barrage en cours de construction d’une compagnie d’électricité.
L’intrigue parfaitement ficelée se mêle ainsi à la description de cette vallée perdue et de ces vies qui se brisent, de fermiers arrachés à leurs terres et à leurs espoirs.
L’histoire est à la fois poignante et haletante. On regrette simplement que la dernière partie, narrée par la voix du shérif adjoint, ne soit pas aussi convaincante que le reste de cet excellent polar.