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Report de la taxe poids lourds : la deuxième mort du Grenelle

Publié le 20 avril 2010 par Hmoreigne

 Il est urgent… d’attendre. Même avec des caisses plus que vides et un contexte environnemental pour le moins inquiétant, l’exécutif déjà obnubilé par l’échéance de 2012 n’en finit pas d’enterrer la révolution écologique promise. Le passage aux exercices pratiques bute sur les contraintes économiques. Du coup, les mesures emblématiques, taxe carbone et taxe poids lourds sont renvoyées aux calendes grecques.

Officiellement, Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau  “confirment la décision du gouvernement de mettre en place l’éco-redevance kilométrique dont le principe a été voté dans la loi Grenelle 1 et les modalités décidées dans la loi de finances 2009.” Mieux, ils précisent : “cette éco taxe devra être acquittée par les poids-lourds pour l’utilisation du réseau routier national non concédé et des routes départementales susceptibles de subir un report de trafic” pour conclure que “Le déploiement du dispositif sera achevé sur l’ensemble du territoire en 2012 après une expérimentation de plusieurs mois en Alsace“.

On savait que l’ambition affichée par le Grenelle serait largement tempérée par la capacité à dégager des moyens financiers conséquents mais là, le gouvernement donne le sentiment d’avoir jeté le gant. Un aveu d’impuissance qui met de fait un terme aux ambitions de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, qui devait être abondée par le produit (1,25 milliard d’euros) de l’éco-redevance.

Promise pour 2010, puis 2011, cette dernière ne sera finalement pas instaurée avant le second semestre 2012 soit, après les présidentielles (!), avec une expérimentation en Alsace, région frappée par un fort accroissement de la circulation après la mise en place d’une taxe identique en Allemagne. 

Le gouvernement avance que le report est liè à des raisons “essentiellement” techniques. Même si personne n’est dupe, il reste toutefois que, comme dans le cas de la taxe carbone, le dispositif imaginé est beaucoup trop complexe, reposant sur un système de télépéage à base de GPS embarqués et de portiques de contrôle.

Une usine à gaz qui justifie le recours à deux consortiums privés (Bouygues et Sanef)pour la mise en œuvre et qui écarte tout système au forfait, beaucoup plus simple.

Le principe et l’objectif sont pourtant basiques : frapper d’une taxe oscillant entre 2,50 et 20 centimes par kilomètre parcouru les 800 000 camions qui parcourent la France (dont 200 000 étrangers) de façon à inciter les routiers à privilégier d’autres moyens de transport (ferroutage, navigation fluviale, etc.).

Le quotidien Les Echos rapporte que selon une étude publiée par le ministère des transports, la taxe permettrait de réduire d’un quart (26 %) le trafic poids lourds sur le réseau national et d’augmenter à l’inverse celui sur les autoroutes de 17 %, “soit un surcroît estimé de recettes de 350 millions d’euros pour les sociétés concessionnaires (Vinci, Eiffage, etc.)”.

Décidée par le gouvernement Villepin de la vente des sociétés d’autoroutes détenues par l’Etat pour seulement 11 milliards d’euros avait été dénoncée comme un bradage des bijoux de famille. Les bénéfices de ces sociétés particulièrement rentables (9% investissement déduits) venaient renflouer les caisses de l’Etat  de plusieurs milliards par an. C’est pourquoi l’instauration de la taxe poids lourds devait être l’occasion de revoir la très faible redevance versée par les concessionnaires à l’Etat (180 millions d’euros cette année).

Des projets, le gouvernement fait table rase. Ce qui s’apparente à un détricotage en règle du Grenelle donne raison à Nicolas Hulot qui annonçait fin mars, après le report sine die de la taxe carbone, que sa Fondation suspendait sa participation aux groupes de travail  dans le cadre des Grenelle de l’environnement et de la mer.

Le WWF qui avait vu dans ce retrait “”une très mauvaise nouvelle” avait considéré par la voix de son directeur général Serge Orru, que l’abandon de la taxe carbone ne constituait “pas un enterrement mais un reniement du Président et un très mauvais signal”. Pour le responsable de l’ONG, cette décision faisait suite “à un certain nombre d’annonces d’abandon et de remises en question: déclarations du président de la République au salon de l’Agriculture, report de l’étiquetage écologique, rapport léonin sur l’éolien, 3ème EPR, etc. qui donnent à penser que le Grenelle de l’environnement n’a été qu’une parenthèse que les conséquences du second tour des régionales seraient en train de clore“.

L’association Agir pour l’Environnement rappelle qu’un camion de 40 tonnes circulant à 75 km/h dans de bonnes conditions de circulation consomme 35 l/100 km et rejette 920 g/km de CO2. En situation d’embouteillage ou de mauvaise circulation, la consommation d’un camion peut atteindre 360 l/100 et rejeter 9,7 kg/km de CO2.

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