ROME, le 19 avril 2010 - L'acte symbolique le plus fort de son voyage à Malte, Benoît XVI l'a accompli hors de la vue des médias : il a pleuré avec huit personnes qui ont été victimes, étant très jeunes, d'abus sexuels commis par des prêtres.
La rencontre a eu lieu à huis clos, à la nonciature, peu après la messe du dimanche 18 avril. Et c'est l'un des huit, Lawrence Grech, 35 ans, qui a parlé des larmes du pape. Et aussi de sa propre émotion et de la renaissance de sa foi.
Voici comment le communiqué officiel du Vatican a décrit la rencontre :
"Le Saint-Père a été profondément ému par leurs récits, il a exprimé sa honte et son regret pour ce que les victimes et leurs familles ont enduré comme souffrances. Il a prié avec eux et leur a assuré que l'Église fait et continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour vérifier les accusations, pour que les responsables d'abus soient traduits en justice et pour mettre en œuvre des mesures efficaces afin de protéger les jeunes à l'avenir. Dans l'esprit de sa récente lettre aux catholiques d'Irlande, il a prié pour que toutes les victimes d'abus puissent connaître la guérison et la réconciliation afin d'avoir la force de continuer leur chemin avec une espérance renouvelée".
En effet, le pape Joseph Ratzinger a fait son voyage à Malte sous une très forte pression médiatique internationale, qui exigeait de lui des gestes et des mots à propos du scandale de la pédophilie.
Il ne s'est pas dérobé mais il a agi dans le style qui est le sien.
Il n'a jamais parlé explicitement, en public, de la question de la pédophilie. Il a plutôt écouté ce que d'autres lui disaient à ce sujet : l'évêque de La Valette au début de la messe et, dans l'après-midi, un jeune homosexuel, lors de la rencontre avec les jeunes sur le quai du port. Cette dernière intervention, en particulier, a été un J'accuse sévère et circonstancié contre les défauts de l'Église.
Mais en deux occasions au moins, le pape Benoît XVI a donné en public sa clé de lecture quant à la crise qui a frappé l'Église à cause du scandale de la pédophilie.
La première fois, c'était le samedi après-midi, quand il s'est brièvement entretenu avec les journalistes dans l'avion qui volait vers Malte.
Pour expliquer les raisons de son voyage, Benoît XVI a rappelé le naufrage de saint Paul à Malte en l'an 60 :
"Je pense que le motif du naufrage nous dit quelque chose. Le naufrage a donné à Malte la chance d'avoir la foi ; nous pouvons penser, nous aussi, que les naufrages de la vie peuvent permettre la réalisation du plan de Dieu sur nous et servir à de nouveaux départs dans notre vie".
"Je sais que Malte aime le Christ et l'Église qui est son Corps et sait que, même si ce Corps est blessé par nos péchés, le Seigneur aime quand même cette Église, et son Évangile est la vraie force qui purifie et guérit".
La seconde fois, c'était le dimanche après-midi, lors du discours adressé aux jeunes sur le quai du port de La Valette.
Dans ce discours, le pape a dit :
"Saint Paul, alors qu'il était jeune, a eu une expérience qui l'a changé pour toujours. Comme vous le savez, pendant un temps il a été un ennemi de l'Église et il a tout fait pour la détruire. Alors qu'il était en route vers Damas, avec l'intention de traquer tout chrétien qu'il y trouverait, le Seigneur lui apparut dans une vision. Une lumière aveuglante l'enveloppa et il entendit une voix lui dire : " Pourquoi me persécutes-tu ?... Je suis Jésus, celui que tu persécutes " (Ac 9, 4-5). Paul fut complètement bouleversé par cette rencontre avec le Seigneur et toute sa vie en fut transformée. Il devint un disciple jusqu'à devenir un grand apôtre et missionnaire. [...]
"Chaque rencontre personnelle avec Jésus est une expérience irrésistible d'amour. D'abord, comme Paul lui-même l'admet, il avait mené " une persécution effrénée contre l'Église de Dieu et cherché à la détruire " (cf. Ga 1, 13). Mais la haine et la rage exprimées dans ces paroles furent complètement balayées par la puissance de l'amour du Christ. Jusqu'à la fin de sa vie, Paul a eu l'ardent désir de porter l'annonce de cet amour jusqu'aux confins de la terre.
"Peut-être l'un de vous me dira-t-il que saint Paul a souvent été sévère dans ses écrits. Comment puis-je affirmer qu'il a répandu un message d'amour ? Ma réponse est celle-ci. Dieu aime chacun de nous avec une profondeur et une intensité que nous pouvons difficilement imaginer. Il nous connaît intimement, il connaît tous nos talents et tous nos défauts. Par conséquent, il nous aime tellement qu'il désire nous purifier de nos imperfections et renforcer nos vertus, en sorte que nous puissions avoir la vie en abondance. Quand il nous fait reproche parce que quelque chose dans nos vies lui déplaît, il ne nous rejette pas, mais il nous demande de changer et de devenir plus parfaits. C'est ce qu'il a demandé à saint Paul sur le chemin de Damas. Dieu ne rejette personne. Et l'Église ne rejette personne. Toutefois, dans son grand amour, Dieu provoque chacun de nous à changer et à devenir plus parfait.
"Saint Jean nous dit que cet amour parfait chasse la crainte (cf. 1 Jn 4, 18). Et c'est pourquoi je vous dis à tous : " N'ayez pas peur ! ". Que de fois nous entendons ces paroles de l'Écriture ! Elles ont été adressées à Marie par l'ange à l'Annonciation, par Jésus à Pierre, quand il l'a appelé à être son disciple, et par l'ange à Paul la veille de son naufrage. À tous ceux d'entre vous qui désirent suivre le Christ, en tant que couples mariés, parents, prêtres, religieux, religieuses et laïcs qui portez le message de l'Évangile au monde, je dis : n'ayez pas peur ! Vous rencontrerez certainement une opposition au message de l'Évangile. La culture d'aujourd'hui, comme toute culture, encourage des idées et des valeurs qui sont parfois incompatibles avec celles qui ont été vécues et prêchées par notre Seigneur Jésus-Christ. Souvent elles sont présentées avec un grand pouvoir de persuasion, renforcé par les médias et par la pression sociale de groupes hostiles à la foi chrétienne. Il est facile, quand on est jeune et impressionnable, d'être influencé par les personnes du même âge pour accepter des idées et des valeurs que nous savons ne pas être ce que le Seigneur veut vraiment de nous. Voilà pourquoi je vous dis : n'ayez pas peur, mais réjouissez-vous de son amour pour vous ; faites-lui confiance, répondez à son invitation à être ses disciples, trouvez un aliment et un remède spirituel dans les sacrements de l'Église.
"Ici à Malte, vous vivez dans une société qui est imprégnée par la foi et par les valeurs chrétiennes. Vous devriez être fiers que votre pays soit le seul état de l'Union Européenne à défendre l'enfant qui n'est pas encore né et en même temps à encourager la stabilité de la vie de famille en disant non à l'avortement et au divorce. Je vous exhorte à maintenir ce courageux témoignage rendu au caractère sacré de la vie et à la place centrale du mariage et de la vie familiale pour une société saine. À Malte et à Gozo, les familles savent apprécier leurs membres âgés et malades et prendre soin d'eux, et elles accueillent les enfants comme des dons de Dieu. D'autres nations peuvent apprendre de votre exemple chrétien. Dans le contexte de la société européenne, les valeurs évangéliques redeviennent une contre-culture, comme au temps de saint Paul.
"En cette Année sacerdotale, je vous demande d'être ouverts à la possibilité que le Seigneur puisse appeler certains d'entre vous à se donner totalement au service de son peuple dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée. Votre pays a donné beaucoup d'excellents prêtres et religieux à l'Église. Inspirez-vous de leur exemple et reconnaissez la joie profonde qui vient du fait de consacrer sa vie à l'annonce du message de l'amour de Dieu pour tous, sans exception".
Naufrage et blessures, haine et volonté de détruire... Mais, pour le pape Benoît XVI, tout, vraiment tout, est grâce et promesse de guérison, "même les attaques du monde contre nos péchés". Elles peuvent être la main de Dieu qui "désire nous purifier de nos fautes et renforcer nos vertus, afin que nous puissions avoir la vie en abondance".
Tous les discours et le programme du voyage de Benoît XVI :
> Voyage apostolique à Malte, 17-18 avril 2010
__________
Traduction française parCharles de Pechpeyrou.
www.chiesa