Togo : l’ère du recommencement

Publié le 20 avril 2010 par Unmondelibre

Eugène Aballo – Le 20 avril 2010. Sans surprise, la dernière élection Présidentielle au Togo couronne la réélection de Faure Gnassingbé. Jean Pierre Fabre, candidat du principal parti de l’opposition, l’Union des Forces du Changement (UFC), sur la base des chiffres en sa possession, refuse d’admettre son échec « officiel » et dresse la rue contre son challenger. Le scénario postélectoral reprend ses droits : accusations de fraudes massives, répression des manifestants... Tout semble indiquer que le Togo est toujours à la traîne en matière démocratie.

L'élection présidentielle du 4 mars dernier au Togo n’est pas bien différente de celle de 2005, excepté les scènes de violence dont elle a su se départir. En quête d’une légitimité, Faure Gnassingbé peut se réjouir sur ce plan, d’avoir fait un petit pas en avant, même si la question de la transparence du scrutin reste une équation à résoudre. Qui de Jean Pierre Fabre ou de lui, a véritablement gagné l’élection ? Bien malin qui pourra le dire, sans ambages. Ce qui est certain, des manifestations de contestation n’ont cessé d’émailler les lendemains du scrutin. Mais pourquoi toutes ces protestations ?

Des procédures obscures

Il y a d’abord la décision unilatérale du Président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), de changer, à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, le mode de centralisation des résultats. Ce dernier a, en effet, procédé au changement des règles du jeu, s’agissant de la transmission des résultats au mépris de l’usage des satellites convenu au préalable. Lequel garantirait la crédibilité du verdict des urnes. Les 130 observateurs européens, déployés sur le terrain, avaient déploré l’abandon de la triple transmission des résultats "via une connexion Internet satellitaire, par fax et par GSM", seule à même de "garantir l'intégrité des résultats", au profit d’une transmission manuelle, propice à la fraude.

Pis, à peine Jean-Pierre Fabre a-t-il clamé avoir des preuves de fraudes que les gendarmes ont investi les locaux de l’UFC, emportant des ordinateurs et surtout des procès- verbaux de dépouillement. En privant ce parti de ces matériels informatiques et autres documents qui contenaient certainement des données électorales recueillies par ses militants, le pouvoir ne donne-t-il pas ainsi raison à l’opposition ? Ce geste qui frise une propension à dissimuler ou détruire des preuves compromettantes n’est pas de nature à rendre service pouvoir en place.

Clanisme dynastique

Pour l’opposition, il paraît donc clair que l’issue de l’élection présidentielle était connue d’avance. Elle crie ainsi à la mascarade électorale. Par ailleurs, la contestation ne concerne pas uniquement la victoire d’un simple candidat, mais tout un système dont le cœur n’était que le haut commandement militaire. Avec un record de quarante-trois ans de « gestion » continue des affaires, le parti du Rassemblement du peuple togolais (RPT) que d’aucuns qualifient de « clan militaro-tribal » a une main mise sur l’appareil judiciaire, administratif ainsi que les moyens de l’Etat pour ne pas perdre le pouvoir par la voie des urnes. Si après le décès du général Gnassingbé Eyadema le 5 février 2005, le RPT a forcé la constitution, puis fait organiser une élection controversée ayant causé la mort d'au moins 500 civils pour installer son fils, ce n’était pas pour perdre aussitôt le contrôle de l’appareil d’Etat, mais pour perpétuer la « dynastie » et le système.

Existe- t-il une porte de sortie ?

Les élections dans la plupart des pays africains sont souvent sujettes à des contestations. En témoignent les dernières présidentielles au Gabon et au Togo. Cette situation s’explique par la mauvaise organisation dont elles font l’objet, ainsi que le traitement de leurs résultats. A la lumière de toutes ces insuffisances, il convient de s’interroger sur l’opportunité qu’il y a à confier leur organisation à une structure indépendante, qu’elle soit interne ou supranationale, si elle n’est pas en mesure de garantir leur transparence et mettre ainsi fin aux récurrentes contestations. Par souci de transparence, il a été créé en Afrique francophone, des commissions électorales indépendantes ou autonomes. Mais malheureusement, nombre d’entre elles ont très tôt montré leurs limites. En effet, ces commissions électorales se sont montrées comme étant plutôt des regroupements de partisans, aussi bien de la mouvance que de l’opposition. Cette situation est à la base des crises qui entraînent des démissions de leurs membres, dès lors que leurs intérêts partisans entrent en jeu. Il est donc souhaitable qu’elles soient dépolitisées et que la désignation de leurs membres se fasse sur la base de critères de compétence, de probité, d’intégrité.

Au nombre des structures supranationales, l’Organisation des nations unies (ONU) semble être la mieux placée pour organiser ces élections, grâce à son expertise et à son expérience des affaires africaines. Disposant des moyens non seulement financiers, humains, matériels, mais également militaires, elle est à même de les conduire efficacement. Toutefois, cette implication ne donne-t-elle pas raison à ceux qui estiment que l’Afrique n’est pas mûre pour la Démocratie ? Aussi, avec quelle structure va-t-elle travailler sur le terrain ? Avec le gouvernement ou avec la société civile qui parfois, n’est pas moins partisane ? Dans tous les cas, quelle que soit la formule retenue, la solution n’est pas aussi évidente qu’on le croirait.

L’organisation des élections sans contestations et la réhabilitation de la démocratie africaine passent à n’en point douter, par des réformes institutionnelles. Lesquelles doivent induire la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante protégeant les droits de vote des électeurs comme les droits d’éligibilité des candidats. La liberté de la presse, l’accès aux médias de service public pour tous les candidats, le droit pour les observateurs nationaux et internationaux de suivre tout le processus électoral, de l’enregistrement des électeurs sur les listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats, en passant par la centralisation des résultats au niveau de tous les bureaux de vote.

Eugène Aballo est journaliste béninois.