(Suite de la scène 2)
FIFI (Troublé)
Ce songe de Madone est assez singulier...
LE PRESIDENT
Il prouve simplement qu'elle est à enfermer.
FIFI
Oh que non, Président. Car moi-même une nuit,
J'ai fait le même rêve, identique à celui
Qu'elle vient de narrer.
LE PRESIDENT
Hé, Fifi, mon ami !
Tu ne vas pas sombrer dans la pire folie !
FIFI (insistant)
Ce rêve est pourtant vrai, le volcan m'a parlé.
Il était bien moins net, je dois le confesser.
LE PRESIDENT
Comme toi, c'est un fait. Y a -t-il en ce lieu
Quelqu'un qui n'ait pas vu le volcan dans son pieu ?
FEFE DE BROADWAY
Moi, Seigneur.
DAKTARI
Moi aussi.
LA MADONE
Ce n'est pas étonnant.
On peut se fier sans crainte à ce cher vieux volcan :
Il sait pertinemment à qui doit s'adresser
Son avertissement, son message sacré.
LE PRESIDENT
En admettant que tu ne sois pas folle à lier,
Que veut-il en un mot ? Qu'on lèche ses souliers ?
LA MADONE
Abandonne donc là ce ton si peu amène ;
Laisse la métaphore à tes énergumènes
Et prépare-toi donc à partir en Islande
Avec toute la cour ainsi qu'il le demande.
LE PRESIDENT
Partir ? Là-bas ?
FEFE DE BROADWAY (Epouvanté)
Dans la fumée ? Dans la cendre ?
M'as-tu bien regardé ? Tu peux toujours attendre !
LA MADONE
Féfé à l'âme noble et désintéressée,
Homme que l'on dit partout si cultivé,
Serais-tu donc le seul à n'oser te risquer
A combattre celui qui peut nous écraser ?
FEFE DE BROADWAY
Hé, courage et courge sont certes paronymes
Pourtant en aucun cas ils ne sont synonymes.
Je connais notre langue et sais tous ses détours :
Tu ne m'auras jamais, espèce de vautour.
LA MADONE
Mais qui veut donc t'avoir ? Vrai, redescends sur terre.
FEFE DE BROADWAY (se redressant)
Mais notre Président !
LE PRESIDENT (sursautant)
Moi ? Ah ça, tu déblatères !
C'était sur le conseil de mes meilleurs amis.
Et je n'aurais jamais, quant à moi, je le dis,
Proposé de mon gré un poste à ce nigaud.
LA MADONE
Alors, Féfé d'amour, on se sent tout penaud ?
FEFE DE BROADWAY (Vexé)
Je dois dire pourtant...
LE PRESIDENT
Tu n'as plus rien à dire.
De ce volcan il faut la révolte interdire.
Le rêve de Madone est un délire complet
Mais qui peut malgré tout avoir quelques effets.
(A Fifi)
Préviens toute la Cour. Je veux que dans une heure,
Tout le monde soit prêt.
DAKTARI
Vous croyez donc ce leurre ?
LE PRESIDENT
Et la chère Madone est aussi du voyage.
On verra bien alors ce que vaut son courage.
LA MADONE
Je suis prête à venir. Arielle, tu m'accompagnes.
LA LANGOUREUSE ARIELLE
Mais nous devions aller faire un tour en campagne...
LE PRESIDENT (Caustique)
Tu prépares, je vois, avec soin ta rentrée.
Tu es trop en avance ; attends quelques années.
LA MADONE (Haussant les épaules)
Je voulais simplement saluer la nature.
De grand air non pollué ainsi faire une cure.
(On frappe à la porte. Un huissier entre, glisse quelques mots à l'oreille du Président qui sursaute.)
LE PRESIDENT
Mais qu'elle entre, bien sûr ! Une telle visite
Ne peut en aucun cas excuser qu'on hésite.
(Entrent Cunégonde et Leïla. Brouhaha de bienvenue. On se serre les mains, on s'incline, on s'embrasse.)
(A suivre