L'Homme qui a Suicidé Jimi

"Nous sommes sur la colline parlementaire afin de protester contre la mort de Jimi Hendrix" disaient Paul & Paul dans les années 70.
Je suis aussi de cet avis.
Michael Jeffery était le gérant du groupe The Animals au sommet de leur carrière. À l'unanimité, les membres du groupe le tiennent pour responsable de leur séparation, mais surtout du fait qu'ils n'ont pratiquement rien touché de la fortune qu'ils auraient pu avoir à l'époque. Quand The Animals se sépare, le baseman Chas Chandler se cherche un artiste à gérer. Jimi Hendrix lui tombe entre les mains. Comme Chandler n'a pas encore d'expérience de gérant, il fait appel à Michael Jeffery pour l'aider, malgré leurs différends du passé.

Jeffery est un personnage controversé à bien des niveaux. Il a un passé secret au titre d'agent du FBI. Il est largement reconnu pour syphonner les fortunes des artistes qu'il gère. Si Hendrix est doué pour la guitare et le sens du spectacle, il est cruche en terme de chiffres. Il signe un horrible contrat qui l'oblige à rester avec Jeffery, mais surtout à lui verser une large part de sa fortune personnelle, tout en le nommant comme l'héritier testamentaire de 2 millions de dollars d'assurance-vie. Si Hendrix meurt, c'est 2 millions qu'empoche Jeffery.
En 1968 Hendrix s'achète un studio New Yorkais, le mythique Electric Ladyland. Chas Chandler est musicien lui aussi. Si Chandler y a mis du sien pour l'enregistrement des deux premiers albums, il n'est plus particulièrement bienvenu dans le studio de Jimi, qui veut créer dans le désordre, à son rythme. Il enregistre une même pièce 63 fois. Chandler en a plein le casque et débarrasse le plancher, laissant la gestion du band à Michael Jeffery tout seul. Celui-ci en profite pour ouvrir des comptes un peu partout dans le monde, cacher les sous du guitariste et verser la fortune d'Hendrix tranquillement dans ses comptes à lui.

Woodstock fait de Jimi Hendrix une superstar.

Jeffery reste toujours intimidant. Si il laisse le champs libre à Hendrix côté création, en échange il refuse que celui-ci s'informe sur sa gestion de l'argent. Dès 1969, Hendrix est fiché par le FBI. Qui de mieux placé qu'un ancien agent du FBI pour le vendre...

Si son passé reste secret, ce que l'on sait c'est qu'il parle russe, qu'il connaît et a pratiqué des séances de torture durant des interrogations, et a assurément collaboré à quelques meurtres dans l'Army's Intelligence. Il suggère régulièrement, à tort ou à raison, qu'il possède un dangereux réseau. Dans son entourage on peut à l'occasion voir l'avocat de la mafia, Stephen Weiss. Quand le batteur d'Hendrix, Mitch Mitchell, intoxiqué, fait un sérieux crash de bateau, c'est le réseau underground de Jeffery qui le sort du pétrin sans publicité et sans tracas.

Les échanges d'enveloppes d'argent sont si nombreux que Hendrix en a assez. Il a enregistré son dernier album presque seul, s'aliénant les deux autres membres de son trio. Il tend la perche à gauche et à droite afin de savoir qui voudrait bien le gérer. Jeffery est mis au courant et décide de "brûler" son poulain. Il le booke un soir en Floride puis le lendemain à Los Angeles et le surlendemain à New York, dans des spectacles où le public est surtout ponctué d'enfants ou encore chez des proches des Black Panthers. Sabotage ? Hendrix n'est pas con. Il tente de faire retirer la police d'assurance vie de 2 millions sur sa vie. D'effacer Jeffery de sa vie.
C'est toutefois Jeffery qui effacera la vie en Hendrix.
Jimi, piégé par son gérant, est arrêté à Toronto pour possession de drogue. Ceci lui est d'abord servi par Jeffery comme un boxeur sert un uppercut à son adversaire en guise d'avertissement. Jimi Hendrix ne peut plus faire confiance à son entourage, qui est largement sous l'emprise du crapuleux Jeffery. Il découvre que certains concerts qui lui ont rapporté 10 000$ auraient dû lui en rapporter cinq fois plus. Il découvre aussi des comptes aux Bahamas au nom d'une compagnie fictive de Jeffery. Ça ne sent pas le rat, ça pue !

Jeffery sait tout des enquêtes d'Hendrix à son sujet. Un mois avant sa mort, Hendrix confesse à un ami de Los Angeles que la prochaine fois qu'il retournera là-bas, ce sera dans un cercueil. Les bookings continuent. Toronto le lundi, Miami le mardi, mercredi à Anaheim...
Le 18 septembre 1970, Hendrix est retrouvé mort au Samarkand Hotel de Londres. Il serait mort étouffé par ses propres vomissures suite à un abus de barbituriques (Vesparax). Une pilule qu'on ne prend pas à répétition pour se suicider. Ses poumons sont noyés dans le vin rouge. Sa chemise, ses cheveux et son estomac débordent de vin rouge. Boisson qu'il prend rarement et qu'il aurait cessé de prendre bien avant que ses poumons et son estomac ne soient autant noyés. Et qui boit par les cheveux ? vraiment ? Même bien saoûl ... On apprend que cette technique de torture était utilisée dans les interrogatoires ennemis du FBI...
La femme qui l'accompagnait ce soir-là meurt dans de louches circonstances en 1996.

Jeffery, qui avait dit que son artiste lui serait plus profitable mort que vivant, disparait pendant une semaine complète après la mort d'Hendrix. Il a cette réaction bizzare de simplement dire 7 jours plus tard que son artiste a finalement rejoint "le club des 27", c'est-à-dire l'âge des ces artistes partis trop tôt, victimes des excès de leur popularité.
Janis Joplin, Robert Johnson, Brian Jones, Alan Wilson et maintenant Jimi Hendrix.
Michael Jeffery meurt dans un accident d'avion en 1973, ayant réussi à répendre avec succès la rumeur du "suicide" de son protégé à travers le monde.
Et amenant son secret dans sa mort.