Dès son arrivée au pouvoir en 2006, le chef de l'État béninois avait juré d’atteindre des productions records pour le coton. Loin de là, l’or blanc a amorcé une inexorable descente aux enfers malgré les milliards de francs de subventions apportés chaque année par l'État.
Mais que se passe-t-il dans cette filière qui est la seule mieux organisée de l’espace agricole béninois? «Les différents acteurs n'acceptent plus les groupes professionnels mis en place après l'arrangement institutionnel de la filière à sa libéralisation. Ainsi, des dissidences sont apparues au sein de ces groupes. Les réseaux parallèles mènent leurs activités en dehors du circuit formel imposé par les réformes, ce qui fragilise le mécanisme. Les conflits d'intérêts sont à la base de ces dissensions au niveau des acteurs. Avec les réformes, certains acteurs ont senti leurs intérêts menacés. La recherche de stratégies pour faire face à ces menaces a amené à la création de réseaux dissidents qui leur permet de contourner le mécanisme formel», explique Edmond Totin qui a soutenu sur le sujet pour l'obtention de son diplôme d'ingénieur agronome.
D’importantes subventions
Depuis quelques années, les producteurs sont découragés notamment par la qualité relative des intrants qui leur sont livrés et qui entraînent des récoltes catastrophiques pendant que s’accumulent les impayés sur leurs livraisons de coton. Au début de son mandat, le président actuel a dû solder une ardoise de 34 milliards de francs CFA sur les campagnes de 2001 à 2003 afin d’inciter les producteurs à avoir du cœur à l’ouvrage. Le gouvernement ne recule devant rien pour garder à flots cette filière qui est la seule mieux organisée dans l’espace agricole au Bénin. Fin mars, une subvention a encore été déboursée pour venir en aide aux acteurs cotonniers, portant à environ 92 milliards de francs CFA les subventions concédées par l'État depuis 2006. En mars dernier, pour la dernière campagne cotonnière de son mandat, le président Yayi a fait une tournée dans les différents bastions de l’or blanc (Banikoara, Gogounou, Kandi, etc.) pour remobiliser les producteurs et surtout leur expliquer de vive voix les mesures qu’il a récemment prises pour assainir le secteur. En effet, en vue de supprimer toutes sortes de facteurs de corruption et de lourdeurs administratives, les organisations paysannes collaborent directement avec l’Association interprofessionnelle de Coton (AIC) : désormais, il n’y a plus aucun intermédiaire. «Si le gouvernement a décidé aujourd’hui de s’en prendre à la gouvernance des organisations paysannes, c’est tout à son honneur mais seulement, ce n’est pas le seul maillon faible de cette filière. Si demain, la filière venait à échouer, l’histoire demandera des comptes à tous ceux qui, au nom de l'État ont eu ces dernières années à s’occuper de ce secteur. Et ils sont connus : les différents ministres en charge de l’Agriculture, du plan et de la prospective des gouvernements de Mathieu Kérékou et de Boni Yayi, et bien d’autres qui répondront de la mort de cette filière. Ils ont tout intérêt à sortir le coton de son agonie si demain, ils ne veulent pas répondre devant le tribunal de l’histoire», analyse Gérard Gansou, journaliste.Une vie après le coton
Avec les contre-performances de ces dernières années, c’est l’économie nationale qui est menacée. La filière cotonnière est la principale source de croissance de l’économie béninoise : elle participe pour 80% à la constitution des recettes d’exportation, représente 45% des rentrées fiscales (hors douane) et contribue en termes de valeur ajoutée pour 13% à la formation du PIB. La production annuelle de coton graine représente environ 70 milliards de francs CFA qui sont versés à plus de 325000 exploitants agricoles, procurant ainsi des revenus monétaires à environ 3 millions de personnes. Mais celles-ci n’ont pas attendu les réformes de l'État pour assurer autrement leur pain de tous les jours. Leur engouement pour le coton s’est déplacé, au fil de ces dernières années, vers la production céréalière. Celle-ci, selon le rapport à mi parcours de la campagne agricole 2009-2010, est estimée à 1462233 contre 1298000 tonnes en 2008. Notamment le riz et le maïs sont en nette augmentation en 2009 : 1164584 tonnes pour le maïs, soit une hausse de 13,01% et 133318 tonnes pour le riz, soit une augmentation de 34,26%.Avec de telles performances qui relèvent en plus le défi de la sécurité alimentaire, il sera difficile pour le gouvernement de ramener les producteurs dans les champs de coton.