Après avoir abordé les méfaits de la libre entreprise dans Roger et moi, dénoncé la puissance des lobbys de l’armement dans Bowling for Columbine, dressé un réquisitoire contre l’administration Bush dans Fahrenheit 9/11 ou pointé du doigt l’aspect inégalitaire du système de santé aux Etats-Unis dans Sicko, le documentariste Michael Moore, fidèle à son style pamphlétaire, continue de nous dévoiler l’envers du décor de l’ « American way of life » dans son dernier opus, Capitalism : A Love Story.
Le nouveau film documentaire de l’homme de Flint est une charge contre les dérives du capitalisme, instigateur de la crise économique. Moore se fait le porte-parole d’une Amérique qui souffre en nous montrant ces hommes et ses femmes victimes d’un système en roue libre, un système dont les rênes sont tenues par Wallstreet, les magnats de l’immobilier et de l’assurance en connivence avec une partie de la classe politique dirigeante. Le constat est accablant, toutes les 7 secondes, une personne aux Etats-unis est mise à la porte de chez elle…et le congrès à accorder aux banques 700 milliards de dollars pour que l’on puisse les sauver.
Autant prévenir tout de suite, si vous aimez l’investigation objective et si vous pensez que les précédentes œuvres de Moore sont trop orientées et manquent d’objectivité, vous ne serez alors pas convaincus par cette démonstration. Toutefois, même si l’on connaît la recette par cœur (mise en scène très présente, manque parfois de recul et de distance sur le sujet, recours systématique à l’empathie), les informations délivrées ici sont stupéfiantes et la gravité du propos associé à la spontanéité, le cynisme et la passion du cinéaste fonctionnent très bien et le constat est salutaire à tout point de vue.
Il faut voire dans ce film une démarche pédagogique. Même si Moore met en avant des arguments qui servent sa cause et son discours, on ne peut pas lui jeter lap pierre car il est souvent dans le vrai. La force de son film réside dans sa capacité à susciter l’interrogation, à mettre le doigt là où ça fait mal, et à ne laisser personne indifférent par rapport au sujet traité.
La scène d’ouverture du film est très intéressante, le réalisateur met en parallèle le déclin de l’empire romain avec celui de l’empire américain. Michael Moore nous délecte également de quelques scènes symboliques dont il a coutume dans lesquelles il nous montre tout son culot. Le ton est délicieusement provocant lorsque le réalisateur se présente dans la banque avec des sacs pour récupérer tout son argent ou lorsqu’il entoure l’établissement de ruban « scène de crime ».
Même si on sent Michael Moore engagé comme toujours, c’est bien la première fois qu’on entrevoit chez lui un certain découragement face à la déshumanisation du monde économique qui ronge son pays et cela malgré la touche d’espoir incarnée par le nouveau président Barack Obama.
Au final, même si on peut taxer Moore de démagogie et lui reprocher de ne pas faire une analyse assez globale de la situation (après tout, il n’est pas économiste et ce n’est pas ce qu’on lui demande), Capitalism : A Love Story est un film coup de poing qu’il faut absolument regarder en prenant toutefois un peu de recul et de distance avec l’approche de l’artiste.
Après tout, la démagogie vient si souvent d’en haut, pourquoi donc ne pas s’en servir un peu lorsqu’il s’agit de dénoncer un système qui cherche en permanence à broyer le peu d’humanité qu’il reste à nos sociétés soi-disant parfaites ?
Michael Moore – Capitalism: A Love Story – Bande annonce VOST
Le DVD est disponible chez Paramount.
Suppléments: - Arnaqueurs et banques : désolé, vous êtes finis à Flint, Michigan- Le député Elijah Cummings ose dire l’indicible
- Les riches ne vont pas au paradis
- Les Taxi Driver communistes du Michigan
- Si seulement on avait écouté Jimmy Carter en 1979
- La banque socialiste du… Dakota du Nord ?
- Chris Hedges, journaliste du NY Times lauréat du Pulitzer, parle de cette machine meurtrière qu’on appelle le Capitalisme