Plus chanceux que nos collègues marseillais qui n’avaient pas assez pré réservé pour permettre aux montréalais de jouer, les quelques bordelais (et toulousains) présents à Tatry en cette douce soirée d’avril ont pu assister à l’envol majestueux d’un groupe sur lequel il faut dorénavant compter à coup sûr. Les précurseurs avaient bien senti le bruyant Volume 1 en 2003, les suiveurs curieux s’étaient régalé avec le mix "pop Beach Boys" / "shoegaze Ride" de Are The Dark Horse en 2007, et cette année tout un chacun peut se délecter de Are The Roaning Night, LA consécration d’un groupe canadien à classer dorénavant à hauteur de leurs voisins Arcade Fire.
Jace Lasek cheveux fillasses et verres opaques entre en scène aux côtés de son épouse au visage creusé Olga Goreas. Autour d’eux, un effectif réduit avec le batteur Kevin Laing et le guitariste Steve Raegele. Très sympathiques, et frustrés par la déconvenue de la veille, les canadiens entrent de plein pied dans une discographie qui commence à avoir de la gueule. Jonglant entre les trois albums (surtout les deux derniers), le groupe peut se montrer à la fois sombre et lumineux, violent et délicat. Des récurrences tout de même ? Oui, de forts relents psyché que n’apaisent pas une machine à fumer en ébullition constante, et surtout une non fâcheuse tendance à construire en mode progressif, transformant chaque morceau en longue intro potentielle, allant crescendo pour irrémédiablement se finir en coup de tonnerre.
Je pense notamment à ce très grand moment de scène, l’un des plus grands qu’il m’ait été donné de voir, le feu d’artifice "Devastation" qui en live et à seulement quelques petits mètres de Lasek prend des proportions inimaginables sur disque. Les Besnard Lakes n’ont pas enregistré leur récent opus sur la console de Led Zeppelin pour rien. Les riffs sont pyrotechniques, la basse d’Olga drive les morceaux de façon insoupçonnée, et tout sonne grandiloquent sans surenchère. Au-dessus de ça, il y a bien sûr la voix céleste de Lasek, si haut perchée par moments, souvent rejoint par celle en contrepoint de son épouse. Comme Yo La Tengo avec les instrus des Black Mountain.
La set-list quant à elle aligne les déjà classiques morceaux du deuxième album : "Distater" (tout en délicatesse), "For agent 13" ou encore "And you lied to me". Du premier album si je ne m’abuse nous n’entendrons que "This thing". Enfin, trois bestiaux sortent clairement du lot sur le nouvel album : "And this is what we call progress", parfait, "Albatross", justement dans ce style Yo La Tengo, et l’immense "Like the ocean, like the innocent Part 2" au lyrisme sans limites. Je n’en attendais pas tant.
Leur site officiel et leur Myspace
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"And this is what we call progress" en live télé et le clip de "Devastation" :