Martyrs se situe sans nul doute au sommet de cette pyramide, moins par la dureté des scènes qui s'y déroulent que par le traumatisme psychologique que le film suscite, et qui ne cesse de croître avec le temps (plus de 2 ans après sa découverte, j'y pense encore).
Après un Saint-Ange de très bonne facture, Pascal Laugier revenait donc sur les écrans avec Martyrs, film qui se sera fait attendre comme l'Arlésienne depuis l'annonce de sa sortie. En effet, initialement grevé d'une interdiction aux moins de 18 ans, le film se sera finalement vu accorder une interdiction aux moins de 16 ans après plusieurs passages devant la Commission de Classification des Films.
Le film de Laugier débute par une scène coup de poing, dans laquelle l'une des deux héroïnes, Lucie, interprétée par une Mylène Jampanoï habitée par son rôle, vient se venger de la famille qu'elle considère coupable de l'avoir séquestrée et torturée des années plus tôt. Cette séquence, d'une efficacité redoutable, fait voler en éclat l'image de la famille modèle dans un déluge de violence frontale. Martyrs débute donc comme un revenge movie, mais va peu à peu s'enfoncer dans un propos sombre, terrifiant, nihiliste, sur le monde actuel et la manière d'en supporter le cours.
En effett, Laugier propose une vision de la vie et de la mort rarement admise dans nos quotidiens, en tout état de cause rarement exploitée au cinéma. Afin de développer son propos, le metteur en scène utilisera une violence physique et psychologique terrifiante, de celles qui vous travaillent littéralement le corps et l'esprit. Ainsi, le personnage de Anna (formidable Morjana Alaoui) se verra torturée par une secte dont la motivation sera révélée en fin de métrage, et qui trouvera une réponse que chaque spectateur pourra interpréter à sa manière (même si la logique du film, ainsi que les différentes interviews du metteur en scène, en dessinent clairement les contours).
Par ailleurs, Martyrs constitue également une histoire d'amour très touchante entre les personnages de Lucie et d'Anna. A ce titre, la réplique d'Anna, un simple "tu me manques", résonne aujourd'hui encore en moi et constitue un moment extrêmement poignant, celui d'un être seul, blessé, apeuré, s'adressant à la personne qu'elle aime le plus au monde mais qui ne peut l'aider.
Soulignons également l'aspect visuel extrêmement clinique que Laugier confère à son film, le metteur en scène ayant en effet souhaité une photographie très claire, des décors blancs, froids, qui rappellent le Dario Argento de Ténèbres. Ce parti-pris visuel contribue à donner au film un aspect extrêmement dur, brut, duquel on ne peut s'échapper.
Martyrs n'est assurément pas un film à mettre devant tous les yeux, sa radicalité et son parti-pris visuel étant réellement traumatisants. Mais il constitue une oeuvre d'une singularité totale, d'une pleine cohérence, et qui a le mérite de faire réfléchir bien longtemps après sa découverte.