Lus dans L'appel des appels, Pour une insurrection des consciences, ces propos de Cornelius Castoriadis :
" Ce qu'on observe maintenant, c'est un recul de l'activité des gens. Et voilà un cercle vicieux. Plus les gens se retirent de l'activité, plus les bureaucrates, politiciens, soi-disant responsables, prennent le pas. Ils ont une bonne justification : "Je prends l'initiative parce que les gens ne font rien." Et plus ces gens-là dominent, plus les gens se disent : " C'est pas la peine de s'en mêler, il y en a assez qui s'en occupent, et puis de toute façon, on n'y peut rien."
La bureaucratie administrative décourage toute initiative innovante qui émane d'une pensée libre. La pensée libre échappe à toute planification des objectifs, à toute évaluation pré et post opératoire. Les initiatives innovantes, forcément hors cadre, entrent en amont comme en aval en conflit avec la notion même de structure bureaucratique. Cette antinomie sémantique se traduit sur le terrain par l'amertume du soupçon, le découragement, la dévalorisation, l'abandon. Oser devient une infranchissable cordilière. On se replie sur le minimum à faire, on courbe l'échine en marmottant les mantras à la mode, et c'est ainsi que le monde s'appauvrit. Et c'est ainsi que la bureaucratie étend sur les rêves, sur les désirs, sur les volontés, le suaire des pourcentages.
Lisez L'appel des appels, sous la direction de Roland Gori, Barbara Cassin et Christian Laval, paru aux éditions Mille et une nuits.