La crise économique n’est une nouveauté pour personne. A la question : qui est responsable de la crise ?, beaucoup répondent : les banques américaines. Il est vrai que la crise des subprimes peut être considérée comme l’élément initiateur de cet ébranlement du capitalisme. Pourtant, ce qui est le plus étonnant, ce n’est pas l’intensité de la crise mais plutôt sa durée. Voila plus de deux ans que l’activité économique est en panne.
Il est vrai que le système a été profondément touché. Les grandes nations ont voulu jouer à l’unisson, voyant en l’union « le signe de la prospérité éternelle » pour reprendre la formule d’Eisenhower. Mais d’un concert qui se voulait majestueux, la seule fausse note de l’instrument Etats Unis a suffit pour anéantir la symphonie. Le groupe d’instruments fautifs : les banques américaines, la fausse note : le suprime (crédit à risque avec taux variable). S’il est vrai que notre talentueux musicien a fait son mea culpa, il n’en demeure pas moins que le chef d’orchestre peine à rétablir l’harmonie.
Antonio Lucio Vivaldi, compositeur de génie a eu une seule ligne directrice dans sa vie : transmettre une émotion au public. La plus belle des récompenses est selon lui, un public vivant et à l’écoute. Le vrai problème est de savoir si le concert des grandes nations continue de sonner faux à cause d’un public distrait ? Autrement dit, la crise ne perdure t-elle pas à cause de notre morosité ? En d’autres termes, sommes-nous responsables de notre mal ?
Croissance et consommation vont souvent de pair. La crise a ébranlé non seulement le capitalisme mais aussi le moral des ménages. Dans une période d’incertitude, les ménages adoptent une position prudente voire craintive. Tout le problème est que cette position défensive contribue à la morosité économique, le principal obstacle à la croissance. Mais la plus grande aberration à mon sens a été l’important relais médiatique faisant de la crise l’objet central de l’information pendant plus d’un an. En insistant sur l’impact de la crise, les différents médias ont en quelque sorte transformé la crise. En effet, d’une crise économique, elle est devenue successivement sociale, sociétale et enfin sociologique. Si la crise perdure, c’est qu’elle perdure dans notre tête collectivement. Autrement dit, notre manque de confiance collectif en l’avenir se traduit dans notre consommation craintive, qui est le principal obstacle au retour à la normale.
Crise vient étymologiquement du latin crisis (manifestation grave d’un état maladif). Ce n’est une nouveauté pour personne, l’économie va mal. Pourtant on ne doit pas oublier que le mot crise vient aussi du grec κρίσις (Krinem) qui signifie jugement. Ainsi la crise ne perdure t-elle pas à cause de notre jugement sur l’avenir économique ?
P.H.