Traitement kinésithérapique
M. Guérineau*, J.J. Labat**, R. Robert***, Th. Riant****
B. Rioult****, F. Ramée-Le Corveller****, M. Bensignor****
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* kinésithérapeute (17, Allée Cdt. Charcot - Nantes)
** neurologue, médecin physique (CHU - Nantes)
*** neurochirurgien, anatomiste (CHU Nantes)
**** anesthésistes, algologues (CCS – Nantes)
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RESUME
La symptomatologie clinique des douleurs pelvi-périnéales complexes a déjà été fréquemment décrite. L’aspect myofascial de ces douleurs a moins souvent été évoqué. Pourtant, ces douleurs musculaires sont très souvent retrouvées à l’examen clinique.Les auteurs ont essayé d’analyser, de comprendre, et d’expliquer pourquoi ces hypertonies musculaires pouvaient participer, peu ou prou, à la genèse de ces douleurs pelvi-périnéales complexes. Ils ont été amenés à proposer un traitement visant à libérer ces tensions musculaires.
Les résultats montrent que deux fois sur trois, les patients peuvent tirer un bénéfice non négligeable de cette thérapeutique.
SYNDROME MYOFASCIAL: DEFINITION
Certains patients ont des douleurs assez mal définies, mais centrées sur la région périnéale, fessière ou abdomino-pelvienne. L’examen clinique retrouve souvent des points gâchettes (myofascial trigger point). Il s’agit en fait d’un syndrome douloureux local s’intégrant dans le contexte d’un syndrome myofascial (8).
Une douleur myofasciale est définie par la présence d’un point douloureux gâchette au sein d’un muscle, traduisant une hyper irritabilité du muscle ou de son fascia. Ce point gâchette est considéré comme « actif », c’est-à-dire responsable d’une réaction symptomatologique locale et à distance. Cette réaction locale perturbe l’allongement du muscle, contribue à sa faiblesse, génère des douleurs référées et perturbe le bon équilibre musculaire de la région. La douleur myofasciale s’exprime donc par une douleur régionale complexe, mais reproductible à l’examen clinique et d’un moment à l’autre dans des schémas assez spécifiques pour chaque muscle impliqué.
Ces points gâchettes s’accompagnent parfois d’une réaction de spasme musculaire local témoin de l’hyperactivité musculaire, mais, la plupart du temps, il s’agit simplement d’un point de sensibilité. Comme pour l’hypertonie musculaire, le lien de causalité entre ces points douloureux myofasciaux et la présence d’une douleur pelvi-périnéale complexe, ne pourra être affirmé que par l’épreuve thérapeutique
INTRODUCTION
Nous avons pu constater, après une douzaine d’années d’expérience de consultations d’algies périnéales, que dans plus de la moitié des cas de patients porteurs d’une douleur pelvi-périnéale chronique, l’examen clinique révèle ce que l’on qualifie habituellement d’un « syndrome myofascial ». Dans ce syndrome myofascial, certains éléments pathognomoniques sont généralement concernés. Ce sont les muscles : piriforme, obturateur interne, droit fémoral, psoas, élévateur de l’anus, transverse profond du périnée.
Topographie de la douleur
Elle siège généralement sur le territoire du nerf pudendal.
- Nerf hémorroïdal inférieur (ou nerf anal ou nerf rectal inférieur)
-Région péri-anale, anus, rectum (sensation de corps étranger intra-rectal) pour la branche sensitive, et releveur de l’anus, sphincter externe de l’anus pour la branche motrice,
- Nerf périnéal
Noyau fibreux central du périnée, bourses, grandes lèvres, tiers inférieur du vagin, pour la branche sensitive et muscles érecteurs (ischio et bulbo-caverneux), sphincter strié de l’urètre, pour la branche motrice,
- Nerf dorsal de la verge ou du clitoris, considéré comme branche terminale sensitive.
Parfois la douleur irradie vers les fesses, le sacrum, le coccyx, la face postérieure de la cuisse, voire de la jambe (trajet sciatique) uni ou bilatérale. Les patients peuvent décrire également des douleurs à tonalité plus antérieure, pli inguinal, symphyse pubienne, testicules, face antérieure, interne ou externe de la cuisse, uni ou bilatérale.
Caractéristiques de la douleur
Les patients évoquent des brûlures, des démangeaisons, des élancements, des crampes, des torsions, des strictions, des pincements, des sensations de corps étranger intra-rectal. Une hypersensibilité au contact cutané est parfois constatée, certains patients ne peuvent plus supporter le contact de leurs sous-vêtements (allodynie).
Cette douleur est surtout ressentie lors de la position assise, les patients sont généralement bien debout et à la marche, bien sur la cuvette des WC. La douleur disparaît allongé (sauf proctalgie fugace), réapparaît le matin dès la station debout pour augmenter dans la journée et être maximum le soir. La douleur résiste aux antalgiques habituels.
Cette pathologie touche plus les femmes (deux fois sur trois) que les hommes, avec un âge moyen de 53 ans (22-79 ans).
Ces douleurs parfois supportables, peuvent devenir franchement intolérables. Elles évoluent depuis quelques mois jusqu’à plusieurs années. Si l’on retrouve parfois une cause (traumatisme, abus sexuels, accouchement, suite de chirurgie pelvienne ou périnéale), l’étiologie reste le plus souvent inconnue.
Le contexte psychogène est souvent particulier, mais, plus que la cause, semble être la conséquence de la douleur, puisqu’il disparaît avec celle-ci.
ANATOMO-PATHOLOGIE
Le muscle piriforme (pyramidal) :
Il a pour originalité d’être endo-pelvien à son origine, fig. 1 (il entoure, sur la face antérieure du sacrum, les 2ème et 3ème trous sacrés), et, après avoir traversé la grande échancrure sciatique, il se dirige en dehors, en bas et en avant pour devenir exo-pelvien à sa terminaison fig. 1bis (face supérieure du grand trochanter). C’est un muscle pelvi-trochantérien, il est rotateur externe et abducteur de la hanche.
Fig 1 (R.Robert) Fig 1bis (R.Robert)
Le spasme ou contracture du piriforme entraîne une douleur qui peut remonter jusqu’à la crête iliaque et descendre jusqu’au pli fessier. Un muscle spasmé, outre la douleur, devient dur et épais et vient irriter les éléments de voisinage.
Remarques :
Lorsqu’une fibre musculaire se contracte, elle le fait d’emblée dans son maximum (loi de Goth ou loi du tout ou rien). Par contre, au sein d’un même muscle, toutes les fibres musculaires ne se contractent pas en même temps car elles n’ont pas toutes la même chronaxie (temps minimum nécessaire à la contraction musculaire, lorsque l’intensité est le double de la rhéobase), elles ne réagiront donc pas toutes en même temps au même traumatisme. Certaines fibres seront spasmées et d’autres pas.On peut appliquer ces remarques au muscle piriforme, et dans ce cas, deux tableaux différents peuvent se présenter:
1) Les fibres exo-pelviennes du muscle sont principalement contracturées, c’est le nerf sciatique qui sera lésé, et plus précisément sa partie postérieure, le nerf petit sciatique (nerf fessier inférieur). Ce nerf chemine à la face antérieure et au bord inférieur du muscle piriforme. Son irritation entraînera une douleur de type sciatique, mais s’arrêtant au creux poplité, territoire du nerf petit sciatique. Cette sciatique atypique, tronquée, ne présentera pas les éléments cliniques, mécaniques que l’on retrouve habituellement (pas d’impulsivité à la toux, pas de Lasègue, pas de point d’appel rachidien). Cette sciatique sera étiquetée de sciatique de la fesse ou sciatique du piriforme.
2) Les fibres endo-pelviennes du muscle sont contracturées, c’est le nerf pudendal qui sera irrité à son origine (plexus honteux, 2ème, 3ème, 4ème trous sacrés). Cette irritation entraînera une douleur sur le territoire du nerf pudendal (anal, périnéal et génital). La symptomatologie est souvent protéiforme ; ces deux tableaux peuvent se présenter séparément, ensemble, uni ou bilatéralement.On recherchera un spasme du muscle piriforme (fig7) en traçant mentalement deux diagonales sur la fesse. A partir du croisement de ces deux diagonales, une ligne verticale, 5 cm au-dessus du croisement des diagonales : le piriforme. Si la pression de ce point est douloureuse, le piriforme est contracturé. A rechercher également du côté opposé.
Le muscle obturateur interne :
Il présente la même originalité que le muscle piriforme ; il est endo-pelvien à son origine fig. 2, s’insérant sur le pourtour osseux interne du trou obturateur et sur la face interne de la membrane obturatrice ; les fibres musculaires se dirigent vers la petite échancrure sciatique où le muscle se réfléchit à peu près à angle droit pour devenir exo-pelvien, se dirige ensuite en dehors et un peu en haut, vers la face interne du grand trochanter où il s’insère par un tendon étroitement uni à celui du piriforme.
Dans sa portion exo-pelvienne fig. 2bis, l’obturateur interne reçoit le renfort, le long de ses bords supérieur et inférieur, des jumeaux supérieur et inférieur qui se terminent avec lui sur la face interne du grand trochanter, et dont l’action est connexe.A son origine, le muscle est recouvert d’une membrane qui lui est propre : la membrane de l’obturateur interne qui se dédouble dans son segment inférieur pour former le canal d’Alcock, et se continuer ensuite sur le repli falciforme du ligament sacro-tubéral.
Le canal d’Alcock est traversé par les vaisseaux honteux internes( artère et veine)et le nerf pudendal.
fig. 2 (Rouvière) fig. 2bis (R.Robert)
Si l’on prend en compte les mêmes remarques que pour le muscle piriforme, il est logique de penser que ce muscle peut être spasmé, soit dans son segment exo-pelvien, soit dans son segment endo-pelvien, soit les deux à la fois.
- Une hypertonie exo-pelvienne du muscle entraînera une douleur sciatique pouvant descendre jusqu’au pied. En effet, le tronc du nerf sciatique descend à la face postérieure du muscle obturateur interne, et peut être irrité par la contracture de ce muscle
- Une hypertonie endo-pelvienne entraînera une douleur sur le territoire du nerf pudendal (anal, périnéal, génital), par compression de ce nerf dans le canal d’Alcock, en raison d’une tension de la membrane obturatrice interne due à la contracture du muscle obturateur interne.
- On recherchera un spasme de l’obturateur interne au croisement des deux diagonales de la fesse, uni ou bilatéral (fig7)
Les autres muscles pelvi-trochantériens ( obturateur externe, carré crural), ne semblent pas pouvoir participer à la genèse des douleurs pelvi-périnéales car plus externes et plus à distance, notamment du nerf pudendal.
Le muscle droit fémoral (droit antérieur) :
C’est le plan antérieur du quadriceps, et sa seule partie biarticulaire fig. 3. Il est tendu de l’épine iliaque antéro-inférieure (tendon direct) et du dédoublement de la capsule articulaire coxo-fémorale (tendon réfléchi), à la rotule et la tubérosité antérieure du tibia. Il est extenseur de la jambe sur la cuisse, puis fléchisseur de la cuisse sur le bassin.
fig. 3 (Rouvière) fig. 3bis
Lorsque le droit fémoral est rétracté, il attire le bassin en antéversion augmentant la lordose lombaire, aggravant l’action lordosante du psoas, pouvant participer, entre autre, à un conflit thoraco-lombaire.Lors de la flexion passive de la jambe sur la cuisse, patient en décubitus ventral, il apparaît très fréquemment une douleur au niveau de la face antérieure de la cuisse signant une rétraction du droit fémoral (physiologiquement le talon doit toucher la fesse). Cette rétraction du droit fémoral n’est certainement pas un élément pathognomonique de la douleur périnéale, on la retrouve entre autre dans les coxarthroses, les gonarthroses et chez les patients particulièrement spasmés ; il conviendra toutefois de la rechercher, notamment en synergie avec une hypertonie du psoas.
Le muscle Psoas :
Il est tendu de la colonne lombaire au petit trochanter fig. 4. Son origine se fait en deux plans :
- principal ou corporéal, sur la face antérieure des vertèbres de T12 àL5,
- accessoire ou costoïdal, sur les apophyses transverses des 4 vertèbres lombaires, pour se terminer au sommet du petit trochanter par un tendon commun avec le muscle iliaque.
fig. 4 (Rouvière)
Le muscle psoas est fléchisseur de la cuisse sur le bassin et rotateur externe de hanche, lorsque le point fixe est lombaire ; si le point fixe est sur le fémur, il devient fléchisseur du tronc en avant si les psoas se contractent des deux côtés, et avec une inclinaison latérale ajoutée si le psoas se contracte d’un seul côté. De plus, il possède une action lordosante.Le muscle psoas est clivé par les racines antérieures du plexus lombaire qui s’infiltrent entre son plan profond et son plan superficiel (7).
Une contracture du psoas peut, par action mécanique, irriter, en tout ou partie, les racines L1 à L4.-
- L1 : Nerf ilio-hypogastrique (grand abdomino-génital), Nerf ilio-inguinal (petit abdomino-génital), téguments du pubis, testicules, grandes lèvres, urètre proximal, partie supéro-interne de la cuisse, pli inguinal -L2 : Nerf génito-fémoral (génito-crural), triangle de Scarpa, cordon spermatique,Nerf fémoro-cutané latéral (fémoro-cutané), face antéro-externe de la fesse et de la cuisse,
- L2, L3, L4 : Nerf fémoral (crural), face antérieure de la cuisse,Nerf obturateur, face interne de la cuisse.
On pourra objectiver une hypertonie du psoas, patient en décubitus dorsal, en enfonçant les doigts perpendiculaires à la peau, en dedans de la crête iliaque et en dehors de la gaine des grands droits, en direction postérieure et médiane ; le réveil d’une douleur aiguë signe un spasme du psoas que l’on recherchera des deux côtés
fig 4bis
Le muscle élévateur ani (releveur de l’anus) :
Il forme, avec le muscle ischio-coccygien en arrière de lui, le plan profond du périnée :
Fig 5
Il se compose de deux parties, l’une externe statique ou sphinctérienne, l’autre interne dynamique ou élévatrice, présentant des fibres pubo-vaginales, pubo-prérectales, pubo-rétrorectales, de grand axe antéro-postérieur (du pubis au coccyx), entourant la filière uro-génitale et digestive.
Il limite en dedans la fosse ischio-rectale, et constitue un solide plancher de soutien aux organes intra-abdominaux et intra-pelviens dont il absorbe toutes les pressions. La présence d’une corde dure et douloureuse au niveau du canal anal, constatée lors du toucher rectal, fera suspecter une contracture du releveur de l’anus ; ce toucher est parfois rendu impossible en raison de la douleur ; dans ce cas, on pourra alors réaliser une pression sur la pointe et la face antérieure du coccyx, en crochetant celui-ci ; le réveil d’une douleur vive fera penser au même syndrome. On évitera de trop insister sur cette manœuvre qui peut pérenniser la douleur.La symptomatologie d’une hypertonie du releveur de l’anus se manifestera par :
- sur le segment postérieur digestif, une mauvaise ouverture du canal lors de la défécation entraînant une constipation terminale. On peut constater, lors des exercices de biofeedback pression, que si le relâchement musculaire est difficile, voire impossible, la contraction est également très limitée, affichant une perte quasi totale de la mobilité de la musculature du périnée postérieur (périnée figé ou gelé).
- sur le segment moyen gynécologique, une tension de la corde des releveurs entraînant une dyspareunie orificielle dans le tiers externe du vagin et généralement en début de rapport, la lubrification vaginale facilitant ensuite la pénétration ; mais la douleur empêche bien souvent tout rapport sexuel.
- Sur le segment antérieur urologique, une diminution de la relaxation permictionnelle, ayant pour conséquence une dysurie, pouvant faire penser au syndrome de Clara Fowler, les patients décrivant une sensation d’avoir mal vidé leur vessie en fin de miction et éprouvant la nécessité de mictions anormalement rapprochées présentant ainsi un tableau de pollakiurie réactionnelle de compensation. Devant une constipation terminale, et/ou une dyspareunie orificielle, et/ou une dysurie, ayant résistées aux thérapeutiques habituelles, il faudra penser à un spasme du releveur de l’anus.
Remarque
Anatomiquement, le muscle élévateur de l’anus n’échange de fibres musculaires ni avec l’urètre, ni avec le vagin. Mais il existe entre les fascias de ces viscères et le fascia pelvien pariétal qui recouvre l’élévateur de l’anus, des échanges de fibres collagènes et élastiques donc une continuité fonctionnelle
Le muscle transverse profond du périnée :
Il s’insère sur le bord interne de la branche ischio-pubienne, un peu au-dessus de la tubérosité ischiatique pour se terminer en arrière de l’urètre sur le noyau fibreux central du périnée où il rejoint son homologue du côté opposé fig. 6.
Une pression sur son insertion d’origine, uni ou bilatérale, réveillant une douleur, fera penser à une contracture du transverse profond. Il faudra prendre soi de bien rester sur le bord interne de la branche ischio-pubienne, en effet une pression réalisée trop en dedans ne s’effectuera plus sur le transverse profond, mais sur le prolongement falciforme du ligament sacro-tubéral et aussi sur la portion endo-pelvienne de l’obturateur interne fig. 6bis.
fig. 6 (Rouvière) Fig 6 Ter Fig. 6 bis
Le transverse superficiel ne semble pas pouvoir être mis en cause car beaucoup moins important que le transverse profond et souvent inconstant. Le transverse profond renforce le plancher pelvien, ses fibres sont pratiquement perpendiculaires à celles du releveur de l’anus; il envoie des fibres musculaires aux sphincters striés de l’urètre et de l’anus ; ainsi une hypertonie du transverse profond peut perturber, en tout ou partie, l’équilibre mictionnel et/ou défécatoire.L’hypertonie spastique du sphincter strié urétral et du muscle transverse profond peut non seulement constituer un obstacle fonctionnel à l’évacuation des urines par absence de relaxation permictionnelle, mais aussi provoquer une inhibition de la contraction vésicale, aggravant la rétention d’urines (19). Ainsi, l’aspect myofascial des douleurs pelvi-périnéales peut revêtir trois tableaux différents :
1) L’hypertonie du piriforme et de l’obturateur interne entraînant une douleur plutôt postérieure sur le territoire du nerf pudendal et/ou du nerf sciatique,
2) L’hypertonie du droit fémoral et du psoas présentera un territoire douloureux plutôt antérieur, pli inguinal, symphyse pubienne, faces antérieure, interne ou externe de la cuisse, grandes lèvres, testicules,
3) L’hypertonie de l’élévateur de l’anus et du transverse profond du périnée sera caractérisée par une douleur locale gravitant autour du noyau fibreux central, plus ou moins accompagnée de constipation terminale, de dysurie, de dyspareunie orificielle. Toutefois, l’aspect clinique est rarement aussi net, la symptomatologie présentant bien souvent une imbrication des trois tableaux.Si l’on admet l’hypothèse que les hypertonies musculaires peuvent générer les douleurs pelvi-périnéales, le traitement consistera dans la levée de ces tensions musculaires.
Traitement Kinésithérapique
Il n’y a pas de traitement exhaustif. Chaque praticien pourra utiliser la technique qu’il possède le mieux (fasciathérapie, ostéopathie, mézières, myothérapie, ..), dans la mesure ou cette technique consistera essentiellement à lever les spasmes musculaires existants.
Il conviendra au préalable de rechercher tous ces spasmes, la contracture d’un seul muscle étant rarement isolée.
Une des techniques couramment utilisées est celle du « contracter-relâcher ». Cette technique présente l’avantage d’être simple et généralement connue de tous. Une contraction musculaire (légère) est demandée au patient, non pas tant pour le renforcement du muscle puisque celui-ci l’est déjà trop, que pour une meilleure prise de conscience de la zone à relâcher. La contraction se fait sur l’inspiration et le relâchement sur l’expiration. L’étirement sera lent, progressif et indolore afin d’éviter l’apparition de réflexe de défense (réflexe myotatique), qui, s’il se déclenchait, ne ferait qu’aggraver la contracture musculaire et par suite renforcer la pathologie. Il est donc très important de « prendre son temps » et de ne jamais « forcer » une articulation Le retour à la position initiale sera également lent, pratiquement imperceptible par le patient, toujours pour éviter l’apparition du même réflexe.
La validité de la technique réside dans la bonne position à faire prendre au patient. Cette position est celle de « l’anti-physiologie » du muscle considéré. Par exemple, si nous considérons :
- Le piriforme
(fig. 7, 7bis, 7ter), c’est un muscle pelvi-trochantérien, sa physiologie est rotateur externe de hanche et abducteur ; la position du patient sera donc décubitus, dorsal ou ventral, fémur en rotation interne et adduction. Mise en tension douce, lente, progressive, indolore, retour lent, imperceptible. On veillera à bien respecter les différents axes des articulations.
Fig 7bis Fig 7ter
Le même raisonnement s’appliquera pour les muscles suivants :
- L’obturateur interne (fig. 7, 8, 8 bis), muscle pelvi-trochantérien est uniquement rotateur externe de hanche. Le patient sera en décubitus dorsal, hanche en rotation interne, membre inférieur tendu ou bien genou fléchit à 90°
Fig 7
Fig 8 Fig 8bis
- Le droit fémoral (fig. 9), il est extenseur de la jambe sur la cuisse, puis, lorsque ce rôle d’extension est terminé, il devient fléchisseur de la cuisse sur le bassin. Le mouvement sera donc flexion de la jambe sur la cuisse et extension de la cuisse sur le bassin. Le patient sera en décubitus ventral (éviter de réaliser ce mouvement debout en raison de l’action lordosante qu’il peut générer), genou fléchi, le talon se dirigeant vers la fesse ; lorsque le talon touche la fesse, le praticien aidera le patient à soulever le genou de façon à réaliser une extension de la cuisse sur le bassin. Ce mouvement est rarement possible dans sa totalité, la rétraction musculaire étant souvent très importante. La mise en tension sera douce, lente et indolore, retour lent afin d’éviter l’apparition du réflexe de défense.
Fig 9
- Le psoas (fig. 10), il est fléchisseur de la cuisse sur le bassin et rotateur externe de hanche. Le patient sera en décubitus dorsal, extension et rotation interne de hanche. Le patient maintient le genou opposé, hanche fléchie pour éviter l’hyper lordose lombaire
Fig 10
Toutefois, deux muscles font exception à la règle : l’élévateur de l’anus et le transverse profond du périnée, pour lesquels il ne semble pas possible de réaliser d’étirement. Dans ce cas, nous avons utilisé la technique qui consiste en un raccourcissement des fibres du muscle considéré (20 - 21).
- L’élévateur de l’anus (fig. 11, 11bis,) patient en décubitus ventral, la main proximale empaume le sacrum et le coccyx, la main distale vient renforcer l’action de la main proximale ; la mise en tension, toujours douce, lente et indolore se fait en direction de la symphyse pubienne, la table sert de contre-appui. La pression est maintenue sur l’expiration, le retour sera lent et imperceptible. Cette manœuvre peut se réaliser patient en décubitus dorsal (fig. 12, 12bis) ; suivre de la main les grands droits pour venir en butée sur la symphyse pubienne pour bien la localiser. Le tranchant de la main distale appuie sur la symphyse pubienne, la main proximale renforce la pression sur la main distale en direction du coccyx. Les deux techniques peuvent être réalisées dans le même temps (fig. 13, 13bis), patient en décubitus dorsal.
Fig 11 Fig 11bis Fig 12
Fig 12bis fig. 13 fig. 13bis
- Le transverse profond du périnée (fig. 6bis 14, 14bis, 14ter), la finalité est de « rapprocher » les tubérosités ischiatiques. Patient en décubitus latéral (gauche pour un transverse droit et inversement), l’éminence thénar de la main distale crée une pression sur la tubérosité ischiatique en direction de celle du côté opposé. La main proximale éverse l’os iliaque en crochetant l’aile iliaque.
Fig 6bis Fig 14
Fig14bis Fig 14ter Le temps de raccourcissement des fibres musculaires dépend de l’amplitude du mouvement réalisé par le muscle considéré: court (10 secs environ) pour une amplitude faible (élévateur de l’anus, transverse), plus long (20 secs environ) pour une amplitude plus importante (psoas, piriforme). Le nombre d’exécution est de 1 à 2 par séance en fonction du nombre plus ou moins grand de muscles spasmés. Les critères d’efficacité sont l’amélioration des signes cliniques décrits par le patient et/ou la disparition des points douloureux.Les deux manœuvres précédentes concernant l’élévateur de l’anus et le transverse profond du périnée sont réalisées sur des articulations amphi arthrosiques, c’est-à-dire des articulations semi-mobiles qui ne génèrent des mouvements que de très faibles amplitudes, de l’ordre de quelques millimètres. Il conviendra de rester très prudent et de ne pas « forcer » ces articulations.A noter que la technique du raccourcissement peut être utilisée également sur tous les autres muscles précédemment cités.
Résultats
Dans notre expérience, une quinzaine de séances est généralement préconisée de première intention (éventuellement renouvelable), bihebdomadaires, puis hebdomadaires, voire tous les quinze jours en entretien en fonction du résultat.Nous avons repris le dossier des patients qui ont été rééduqués pendant l’année 2004.Soixante quatre dossiers exploitables ont été retenus, de patients présentant des douleurs pelvi-périnéales avec syndrome myofascial. - nombre de femmes : 40 (62,5%)- nombre d’hommes : 24 (37,5%) - âge moyen : 53 ans- extrêmes : 22-79 Les résultats ont été classés en 4 catégories en fonction de l’indice de satisfaction des patients constaté en fin de rééducation:
- mauvais : 0 – 20% 8 (12,5%)
- insuffisant : 20 – 50% 13 (20,3%)
- satisfaisant : 50 – 75% 13 (20,3%)
- très satisfaisant : 75% et plus 30 (46,9%)
Au total, 21 patients ont décrit un résultat mauvais ou insuffisant, non significatif, soit un tiers (32,8%), alors que 43 patients ont obtenu un résultat satisfaisant ou très satisfaisant, soit les deux tiers (67,2%) qualifié de « socialement acceptable ».
Discussion – Conclusion
Comme nous l’avons déjà précisé, si l’on retrouve parfois une cause à cette pathologie (traumatisme, abus sexuels, accouchement, suites de chirurgie pelvienne ou périnéale), l’étiologie reste le plus souvent méconnue. Et pourtant, il n’y a pas d’effets sans causes.
On peut s’étonner de voir certains patients consulter pour des douleurs pelvi-périnéales à la suite d’une chirurgie pour hémorroïdes, d’une prostatectomie, d’un stress, d’un acte sexuel consenti, alors que généralement, ces différentes causes restent sans effet.
Tout porte à croire que ces patients présentent un « terrain de prédisposition » asymptomatique qui les fait rester dans une « zone infra douloureuse » sans raison de consulter. La survenue d’un facteur supplémentaire pourra les faire passer dans la « zone supra douloureuse », la douleur apparaîtra alors nécessitant une consultation.
Peut-on dépister ces patients à risques, et si oui, comment ?
Y-a-t-il un traitement préventif, et si oui, lequel ?
Le chemin est encore long avant de faire la lumière sur cette pathologie qui reste peu ou mal connue. Un travail de recherches, par une équipe pluridisciplinaire, est plus que jamais justifié afin de mieux appréhender la gestion de nos échecs, et d’améliorer nos résultats.
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