Le pape a pleuré. Des ex-victimes d'abus sexuels reçues à Malte par Benoit XVI en ont témoigné. Renseignements pris, ce n'est qu'un seul des huit anciens élèves d'un orphelinat, reçus par Benoit XVI pendant "une vingtaine de minutes", qui a déclaré à l'AFP avoir vu "des larmes dans ses yeux". Mais peu importe. La nouvelle est sensationnelle. C'est un quasi-miracle ! Qu'importent l'embarras, les maladresses à répétition du Vatican dans la gestion des scandales de pédophilie, qu'importent ses non-réponses aux mises en cause directes de la passivité passée du cardinal Ratzinger par le New York Times : oublié, tout ça ! Le pape a pleuré, et ces seuls mots sont de nature à hisser l'information au niveau du nuage de cendres. Comme si pleurer était la seule chose qu'on attend ait de lui.
La place accordée par la machinerie de l'information mondiale (machinerie laïque, rappelons-le) au repentir et à la douleur du pape, lacrymalement attestés, montre une chose : il est très difficile, pour l'information sur une institution (l'Eglise) de s'abstraire de l'échelle de valeurs prônée et pratiquée par cette institution. Il est très difficile de continuer à nommer crimes des crimes, quand l'Eglise les nomme des péchés. Et a fortiori quand ces valeurs sont les valeurs dominantes du biotope (la civilisation judéo-chétienne) dans lequel évoluent, depuis leur naissance, l'immense majorité des journalistes occidentaux. Les reportages télévisés sur les procès en béatification, ou sur les miracles reconnus ou non par l'Eglise, sont à cet égard toujours hautement instructifs.
La visite de Malte restera donc celle où pleura le pape. Ainsi en a décidé la machinerie mondiale. On aurait pourtant pu choisir plusieurs autres "angles", pour cette visite. L'accueil enthousiaste des Maltais au pape aurait aussi pu constituer un "angle", pourquoi pas ? L'approbation, par le pape, de la loi maltaise, qui interdit le divorce et l'avortement, aurait été un autre angle (mais il faut croire que la machinerie peine à gérer deux scandales à la fois). Plus anecdotiquement, Radio Canada, à la connaissance du matinaute, a été le seul organe mondial à signaler (photo à l'appui) que le pape, pendant la messe, s'est brièvement endormi. Sans les larmes, sans doute est-ce cette photo qui aurait fait la Une, mais il faut croire que la machine ne sa it pas gérer, non plus, deux fonctions corporelles à la fois.
Sur la gestion des scandales de pédophilie par les médias, il n'est pas trop tard pour voir notre émission.
Daniel Schneidermann
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