Depuis bientôt une décennie, le film de genre a vu l'émergence de metteurs en scène ibériques ayant su donner une beauté, une intelligence et une patine visuelle véritablement personnelle à leurs oeuvres, les démarquant incontestablement du reste de la production mondiale en matière de films de genre : Alejandro Amanabar (Les autres -2001), Juan Antonio Bayona (L'orphelinat - 2007), Jaume Balaguero (Fragile - 2005) ou encore Alfonso Cuaron (Les fils de l'homme - 2006), ont tous oeuvré pour le meilleur à l'intérieur d'un cinéma codé et ultra-référencé.
Guillermo del Toro (L'échine du diable - 2001, Hellboy - 2004), s'inscrit indéniablement comme le chef de file de cette nouvelle vague.
Avec Le Labyrinthe de Pan, le réalisateur confronte le monde de l'enfance à celui des adultes, la réalité au merveilleux, le quotidien à l'imaginaire. En l'occurrence, le metteur en scène nous raconte l'histoire d'une petite fille qui, en plein régime franquiste, découvre un monde fantastique dont elle serait la princesse.
Del Toro a parfaitement compris la raison d'être du cinéma de genre en général, et du cinéma fantastique en particulier : utiliser le rêve, le conte, le surnaturel, le merveilleux, afin de mettre en exergue des réalités universelles et intemporelles. En effet, en confrontant ses protagonistes à des situations extraordinaires, le cinéma fantastique permet de développer des propos d'une extrême profondeur sur le genre humain et de soulever nombre de questions philosophiques, métaphysiques, ontologiques.
Pour ce qui est de représenter le monde caché que découvre la jeune héroïne, Del Toro éblouit par la beauté de ses décors et le bestiaire qui y évolue. Ses images sont un ravissement de chaque instant, et témoignent d'un véritable amour pour les monstres et autres êtres merveilleux. La jeune Ofelia (impeccable Ivana Baquero) va donc se lancer à corps perdu dans une quête vers sa véritable condition, celle d'une princesse qui a fui il y a bien longtemps son royaume, pour découvrir la vie terrestre...
L'un des intérêts du film réside dans le fait que l'on ne sait jamais si ce monde merveilleux existe réellement ou s'il est le fruit de l'imagination d'une jeune fille cherchant à fuir la réalité. Et c'est sur ce point que le film de Del Toro trouve toute sa force. En effet, le metteur en scène met en exergue le caractère indispensable et salvateur de l'imagination (et donc de l'art) dans un monde brut, violent, où la survie n'est possible que par la force de l'imaginaire. Ainsi, le monde qui se matérialise sous les yeux d'Ofelia, même s'il ne constitue que le fruit de son imagination, devient réel à ses yeux, et constitue à ce titre sa seule réalité.
Il s'agit également de souligner l'admirable musique de Javier Navarrete, d'une extraordinaire beauté, qui achève de faire du Labyrinthe de Pan le plus beau film de son auteur. Au final, le film aura développé un propos d'un optimisme salvateur teinté d'amertume (dans le monde des vivants, la réalité l'emportera toujours sur le rêve), et l'on ressort de ce labyrinthe le ventre noué, les yeux humides et l'âme en vrac.
De toute évidence, le cinéma de genre hispanique est loin d'avoir dit son dernier mot.